
De la finale de la Coupe du monde 1998, remportée avec les Bleus, à ce succès en Ligue des champions, 18 ans plus tard, comme entraîneur du Real Madrid, Zinedine Zidane a déjà presque tout connu dans le football. Surtout le succès.
"Je suis quelqu'un d'heureux." Cette maxime, prononcée en conférence de presse par Zinedine Zidane moins d'une heure après avoir remporté la Ligue des champions avec le Real Madrid, est à l'image de l'homme : sobre et efficace. Face à la presse, "Zizou" n'a évidemment pas versé dans l'euphorie béate, affichant plus simplement un soulagement, probablement celui du devoir accompli. Un de plus, majeur, dans ce destin incroyable qui le lie au football depuis les années 1990.
Il y a 18 ans, son visage ornait l'Arc de Triomphe à Paris quand, joueur de génie, il avait donné la Coupe du monde aux Bleus. Aujourd'hui, le nom de Zinedine Zidane s'affiche encore en grand, cette fois à Madrid. Et pour cause, puisque sa vie est un roman, et le chapitre 2016 un élément-clé de cette aventure.
En janvier, il a été propulsé sur le banc du Real Madrid, pour sa première expérience de coach d'une équipe professionnelle puisqu'il n'avait entraîné jusqu'ici que la réserve. Moins de cinq mois après, il est donc devenu, à 43 ans, le premier Français à gagner la Ligue des champions comme joueur, puis comme entraîneur. Ils sont désormais sept dans ce club fermé avec les Munoz, Guardiola, Cruyff, Rijkaard, Ancelotti et Trapattoni.
De France 98 à Materazzi
Qui aurait pu prédire un tel destin en voyant le jeune "Yazid", comme l'appellent ses proches, pousser ses premiers ballons au pied des immeubles de la Castellane ?
Qui, dans cette cité de Marseille, occupée à l'origine par dockers et rapatriés d'Algérie arrivés dans les années 1960, aurait pu deviner chez ce garçon d'une famille de cinq enfants, aux parents originaires de Kabylie, un homme qui marquerait l'histoire du football ?
Sa vie a basculé le soir du 12 juillet 1998, à 26 ans, quand deux buts de la tête ont porté l'équipe de France sur le toit du monde (3-0 face au Brésil). Il devenait "Zizou", idole d'une foule en liesse sur les Champs-Elysées.
Comme tous les grands champions, il connaît l'ivresse de la victoire et l'amertume des défaites. La plus cruelle vient d'une autre finale de Coupe de monde, en 2006, quand un coup de boule sur le torse de Marco Materazzi scelle la fin de sa carrière de joueur sur une exclusion. Et signe la défaite de la France aux tirs au but contre l'Italie (1-1 a.p.; 5 t.a.b. à 3).
"Zizou" se réconcilie avec l'Italie
Dix ans plus tard, à Milan, il gagne un titre majeur, la C1, dans un costume de technicien dont les coutures craquent parfois - littéralement - quand le corps de l'ancien joueur vibre aux courses de ceux qu'il entraîne désormais.
Il faudra donc faire une place dans l'armoire à trophées déjà bien garnie par ce joueur formé à l'AS Cannes, mûri à Bordeaux, avant de crever l'écran à la Juventus et au Real Madrid. Sous le maillot du club madrilène, il avait déjà gagné la Ligue des champions en 2002 avec en finale une volée venue d'ailleurs, toujours considérée comme l'un des plus beaux buts de l'histoire du foot moderne (succès à Glasgow sur le Bayer Leverkusen 2 à 1).
Zidane sacré comme entraîneur à Milan, c'est un sacré clin d'œil de l'Histoire. Car c'est en Italie, à Turin, qu'il a compris le très haut niveau sous le maillot de la Juve (1996-2001), ère qui correspond à la Coupe du monde 1998, au Ballon d'Or 1998 et à l'Euro-2000.
De cet âge d'or à aujourd'hui, "Zizou" n'a pas vraiment changé physiquement, si ce n'est un crâne rasé pour gommer la calvitie naissante. Ce qui est nouveau, c'est la communication. C'était le point faible du joueur, taiseux, au caractère effacé devant les micros.
Une maturité nouvelle
Coach "ZZ" maîtrise tous les exercices médiatiques. Lors de son intronisation comme entraîneur du Real, il donne une leçon en terme d'image. Il pose tout sourire, décontracté, aux côtés de sa femme Véronique et de ses quatre fils, qui jouent tous au football, dont l'aîné appelé Enzo en hommage à Francescoli, joueur et idole de jeunesse de son père. C'est un coup gagnant pour le message : le Real Madrid est un club familial et Zidane est là pour tourner la page austère de son prédécesseur, Rafael Benitez.
À son arrivée, les doutes l'accompagnaient. L'ancien meneur du Real (2001-2006) serait-il à la hauteur sur le banc du club le plus titré d'Europe et le plus riche du monde ?
La réponse, avec ce titre européen, est oui. C'est un derby perdu contre l'"Atleti" le 27 février (1-0) qui avait relégué le Real à 12 longueurs derrière le leader barcelonais et fait dire à Zidane, dépité : "La Liga est terminée". Le Real a fini deuxième d'Espagne derrière le Barça, mais premier d'Europe.
Plus que par ses innovations tactiques, l'entraîneur Zidane a impressionné par sa capacité à remobiliser un groupe humilié par le Barça (4-0) dans le clasico en novembre.
"Je ne veux pas faire taire les sceptiques, je dis juste que j'ai toujours été un compétiteur", avait lancé récemment "Zizou". Compétiteur, mais gagneur surtout.
Avec AFP