
L’OMS rejette l’idée de reporter ou annuler les Jeux olympiques de Rio en dépit de l’avertissement formulé par un groupe de 150 experts. Ces derniers redoutent une grave crise sanitaire liée au virus Zika. Retour sur les faits.
Une catastrophe sanitaire se cache-t-elle derrière les Jeux olympiques de Rio ? Un groupement de 150 experts scientifiques internationaux ne l’excluent pas. "On fait courir un risque inutile, quand 500 000 touristes étrangers de tous les pays viennent assister aux Jeux et peuvent potentiellement être infectés par le virus et revenir chez eux où l'infection peut alors devenir endémique", ont écrit, vendredi 27 mai, des professeurs de médecine, bio-éthiciens et autres scientifiques d'une dizaine de pays dans une lettre ouverte à la directrice générale de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Margaret Chan.
Des conséquences "dramatiques"
Pour éviter ce que les scientifiques considèrent comme une "urgence de santé publique internationale", ils suggèrent de déplacer ou reporter l’événement sportif au nom d’un principe moral. "Ce n'est pas éthique de faire courir un tel risque seulement pour les Jeux qui peuvent de toute manière avoir lieu en les reportant ou en les déplaçant." Car d’après ces experts, "la souche brésilienne du virus Zika affecte la santé d'une manière qui n'a jamais été observée auparavant". Rappelons que le virus Zika est principalement transmis par les piqûres de moustiques tigres, porteurs du virus. Dans de très rares cas, le virus peut se transmettre par voie sexuelle et par le sang.
"Dans le passé, les sociétés qui ne disposaient pas de moyens de guérir ou de prévenir les maladies infectieuses sont parvenues à limiter les épidémies en essayant de contenir les zones d'infection, en isolant les personnes infectées, explique Robert Baker, l’un des 150 signataires contacté par France 24. Pourtant, pour une raison incompréhensible, l'organisation chargée de protéger la santé mondiale, l'OMS, a donné l'autorisation d'inviter 400 000 personnes non infectées du monde entier sur une zone où plus de 90 000 personnes sont déjà touchées par Zika et environ 5 000 enfants souffrent de microcéphalie et de retard mental probable."
Le virus entraîne en effet chez les femmes enceintes affectées une malformation grave et irréversible du crâne de leur fœtus et un développement incomplet du cerveau. Le nombre de cas de ce défaut congénital, normalement rare, a explosé au Brésil depuis le début de l'épidémie dans ce pays en 2015.
"Si un tel scénario devait se produire dans des pays pauvres en Asie du Sud ou en Afrique encore épargnés, les conséquences pourraient être dramatiques", ajoutent ces experts issus d'une dizaine de pays dont les États-Unis, le Brésil, le Japon, la Russie et la Suède. Les Américains sont très largement représentés parmi les signataires mais il n'y a pas de Français ou de Chinois.
Et Robert Baker de poursuivre, "les experts américains et français avaient déjà vivement critiqué la complaisance mortelle de l'OMS face à l'épidémie d'Ebola. Il semble qu'ils n'en aient tiré aucune leçon".
L’OMS s’adaptera "si nécessaire"
Autant de remarques qui ne semblent pas avoir convaincu la directrice générale de l'OMS. Pour le moment, "une annulation ou un changement du lieu des Jeux olympiques ne changerait pas de manière significative la propagation internationale du virus Zika", a estimé l'OMS dans un communiqué publié plus tard dans la même journée. "Les gens continuent à voyager entre ces pays pour toute une série de raisons", a ajouté l'OMS, impassible.
Un point de vue partagé par les responsables du Comité olympique qui annoncent n’avoir aucune intention de reporter les Jeux olympiques de Rio, comme l'avait récemment affirmé le Dr Richard Budgett, responsable médical des JO. Le directeur des Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC),Tom Frieden, avait déjà indiqué la veille, jeudi, qu'il n'y avait "aucune raison de santé publique justifiant une annulation ou un report des Jeux olympiques" car le nombre de personnes dans le monde qui doivent se rendre à Rio cet été représente "moins de 0,25 %" de tous les voyages dans les pays d'Amérique du Sud affectés par le virus.
En attendant un éventuel contre-ordre de l’OMS, l’organisation onusienne assure "continuer à surveiller la situation et adapter ses recommandations si nécessaire". Dans le doute, mieux vaut appliquer les recommandations d’usage : dissuader les femmes enceintes de voyager dans les pays ou régions qui ont enregistré des cas de transmission sexuelle du virus Zika, et de consulter avant un médecin avant d’effectuer son voyage.