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Après "Jihadi John", un autre bourreau britannique de l'EI identifié

El Shafee Elsheikh est le dernier membre des "Beatles de l'EI", une cellule britannique du groupe terroriste particulièrement cruelle avec ses otages, à être identifié. Itinéraire d’un jeune de Londres devenu complice de "Jihadi John".

Il était fan de foot et passait son temps libre à réparer de vieilles motos au fond du jardin familial. Aujourd’hui, El Shafee Elsheikh est geôlier et assassin. Ce Londonien est l’un des quatre membres de la cellule britannique de jihadistes-bourreaux de l’organisation État islamique (EI) en Syrie, dont "Jihadi John" est le plus sordidement célèbre. L’accent british des quatre hommes, détecté par leurs otages occidentaux d’alors, leur a valu le surnom de "Beatles de l’EI".

El Shafee Elsheikh est le dernier membre de cette cellule à être formellement identifié par les services de renseignement britanniques et américains, rapportent le Washington Post et Buzzfeed News. Avant lui, les noms de Mohammed Emwazi, alias "Jihadi John", tué par un drone en 2015, d’Alexandra Kotey - à ce jour introuvable - et Aine Davis, ex-dealer arrêté en 2015 en Turquie, avaient été révélés au public.

Jihadi John’s Accomplice Exposed As London Fairground Mechanic https://t.co/N5HEar8LX6 pic.twitter.com/zSw4gUZsEC

— BuzzFeed News (@BuzzFeedNews) 23 mai 2016

Les "Beatles de l’EI" se sont démarqués des autres jihadistes en Syrie par leur cruauté avec les otages : passages à tabac, chocs électriques, simulations de noyade (technique dite du "waterboarding") ou encore simulacres d’exécution - dont une fausse crucifixion - font partie de leurs méthodes. Ils ont décapité 27 otages dont sept Britanniques, Américains et Japonais, ainsi que 18 membres de l’armée syrienne.

Radicalisés à West London

Les quatre hommes ont en commun d’avoir été radicalisés dans les mosquées de West London, une partie de la capitale britannique où les fortes inégalités sont source de tensions. El Shafee Elsheikh, 27 ans aujourd’hui, a grandi dans le quartier de White City après avoir quitté le Soudan avec sa famille à l’âge de 5 ans. Ses parents étaient membres du Parti communiste soudanais et son père, poète, a dû se contenter d’un emploi dans une compagnie aérienne une fois au Royaume-Uni. Il abandonne la famille, lorsque le petit El Shafee a 7 ans.

Selon sa mère, Maha Elgizouli, "Shaf" était un enfant tout ce qu’il y a de plus normal, calme et attentif. Supporter des Queens Park Rangers, l’équipe de football locale, il devient mécanicien dans un garage et dans une fête foraine. En 2008, il est attaqué au couteau par un jeune du quartier. Cette altercation mène à des règlements de compte entre gangs rivaux, puis finalement à l’assassinat de son agresseur. Son grand frère, d’abord accusé du meurtre puis blanchi, va en prison pour détention d’arme. C’est, selon un proche de la famille, un élément déclencheur qui l’a rendu "vulnérable" à la radicalisation islamiste.

À l’âge de 21 ans, il épouse une Éthiopienne vivant au Canada, mais cette dernière ne peut pas emménager à Londres en raison des lois d’immigration britanniques, ce qui rend El Shafee Elsheikh furieux. L’année suivante, il commence à fréquenter un ami érythréen qui lui présente les prêches d’un imam radical de West London, Hani al-Sibai. Ce dernier est bien connu pour avoir qualifié les attentats de Londres de "grande victoire" et pour ses liens avec "Jihadi John", entre autres.

Transformation quasi-instantanée

En quelques semaines à peine, la transformation s'opère. Le jeune homme adopte la barbe et le kamis et se rend désormais régulièrement dans trois mosquées locales pour écouter des prêches sur le jihad. Il distribue de la littérature et du parfum sur les stands d’un marché de son quartier. Son interprétation de l’islam est le sujet de nombreuses disputes avec sa mère. "Tu sais, Allah dit que ta mère peut être ton ennemi", lui lance-t-il un jour. Il influence également son petit frère Mahmoud, au grand désespoir de sa famille.

En avril 2012, El Shafee Elsheikh gagne la Syrie. Maha Elgizouli souhaite empêcher son plus jeune fils de le suivre. Elle l’emmène avec elle au Soudan auprès de sa famille. Là, elle confisque son passeport et supplie l’ambassade du Royaume-Uni de l’empêcher de quitter le territoire. "Votre fils a 17 ans et il est Britannique, on ne peut rien faire", lui répondent les autorités. Mahmoud rejoindra El Shafee quelques jours plus tard. Il sera tué au combat près de Tikrit, en Irak, en 2015. Depuis, le Home Office dit avoir pris des mesures pour qu’une telle situation ne se reproduise pas, alors que quelque 800 Britanniques ont déjà rejoint la Syrie et l’Irak.

.@BuzzFeedNews spoke to the mother of one of the ISIS executioners who beheaded 27 hostages.https://t.co/j9dul5h9p0 pic.twitter.com/VY7reQH02q

— BuzzFeed News (@BuzzFeedNews) 24 mai 2016

Désormais à Alep, El Shafee Elsheikh a épousé une Syrienne qui lui a donné une fille, prénommée Maha, comme sa mère. Sa femme canadienne l’a rejoint un peu plus tard. Ensemble, ils ont un fils de trois mois, Mahmoud, d’après le prénom de son frère. "Ça n’est plus mon fils, pas celui que j’ai élevé", a déploré sa mère en apprenant ses activités au sein des "Beatles de l’EI". Il est désormais l’un des hommes les plus recherchés de la planète.