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LuxLeaks : 18 mois de prison requis contre les lanceurs d'alerte

Dix-huit mois de prison ferme ont été requis contre les lanceurs d'alerte Antoine Deltour et Raphaël Halet, accusés d'être à l'origine des "LuxLeaks". Le jugement est attendu le 29 juin.

La justice luxembourgeoise a requis, mardi 10 mai, dix-huit mois de prison à l'encontre d’Antoine Deltour et Raphaël Halet, les deux anciens employés français du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC), à l'origine des "Luxleaks". Pour le procureur, les anciens employés Deltour et Halet, contre qui des amendes et une confiscation des biens saisis ont également été requises, "ne sont pas des lanceurs d'alerte".

Le procureur, David Lentz, qui a proposé que ces peines soient intégralement assorties d'un sursis, a en outre demandé une amende, sans préciser de montant, à l'encontre du journaliste Édouard Perrin. C’est ce dernier qui a porté ces documents à la connaissance du grand public.

S'il a salué "son travail acharné", le procureur a reproché au journaliste d'avoir enfreint le secret professionnel et celui des affaires. "Ce procès devait avoir lieu. C'est désagréable, mais mon rôle est de protéger la société contre les abus", s'est-il justifié. Avant de se lancer dans ses réquisitions, David Lentz a pourtant reconnu que leurs agissements avaient permis de dévoiler "certaines pratiques douteuses".

Les trois hommes, dont le jugement sera prononcé le 29 juin, comparaissaient depuis le 26 avril pour les fuites de 30 000 pages de documents éclairant les pratiques fiscales décriées de multinationales établies au Luxembourg. Ils encourent en théorie jusqu'à dix ans d'emprisonnement.

"Devoir d’alerte"

Antoine Deltour, poursuivi pour vol, divulgation de secrets d'affaires, violation de secret professionnel, blanchiment et fraude informatique, avait copié sur son disque dur des centaines de "rulings", ces accords passés entre l'administration luxembourgeoise et PwC sur le traitement fiscal futur des clients de la firme, généralement à des taux dérisoires.

Ces mécanismes avaient dans un premier temps été évoqués dans l'émission "Cash investigation", diffusée en mai 2012 sur France 2, avant d'apparaître au grand jour, dans leur intégralité, en novembre 2014 sur le site du Consortium international de journalistes d'investigation, l'ICIJ (également à l'origine des "Panama papers").

Lors du procès, Antoine Deltour, 31 ans, a revendiqué son statut de lanceur d'alerte, se disant "fier" d'avoir fait avancer le débat fiscal en Europe. "On pouvait espérer que l'indignation suscitée aboutisse à des actions politiques concrètes", a-t-il souligné. Raphaël Halet, 40 ans, a lui aussi assumé ses actes. L'ancien responsable de la numérisation et de l'archivage du service fiscal de PwC a affirmé avoir exercé son "devoir d'alerte" en tant que "citoyen", après avoir été "choqué" en visionnant l'émission "Cash investigation".

L’avocat de Deltour, Me William Bourdon, a évoqué, mardi, dans sa plaidoirie ce vaste débat qu'avaient engendré les révélations et l'action de la Commission européenne présidée depuis fin 2014 par Jean-Claude Juncker, qui était Premier ministre du Luxembourg au moment des faits. "Juncker, grâce à Antoine Deltour, a fait de la lutte contre l'évasion fiscale l'une des priorités de la Commission", a affirmé l'avocat.

"Antoine, Edward Snowden te souhaite bon courage", a-t-il aussi lancé à son client, en référence au lanceur d'alerte américain, qui a divulgué des documents montrant l'ampleur de la surveillance effectuée par la NSA, réfugié en Russie et avec qui l'avocat est en contact.

Avec AFP