
Des divergences sont apparues ces dernières semaines dans le tandem formé par le président turc Recep Tayyip Erdogan et son Premier ministre Ahmet Davutoglu, dont l'avenir est en passe d'être scellé jeudi.
"Aucune graine de discorde ne peut être plantée entre nous." Cette phrase, prononcée en août 2014 par le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, alors qu'il évoquait ses relations avec le président Recep Tayyip Erdogan, semble avoir vécu. Moins de deux ans auront suffi pour que leur relation tangue au gré des divergences qui les opposent sur un certain nombre de sujets, qu'il s'agisse des relations avec l'Europe ou de la détention d'opposants. À tel point que l'avenir de l'ancien chef de la diplomatie au poste de Premier ministre soit remis en cause.
Le Parti de la justice et du développement (AKP) organise, en effet, dans les prochaines semaines un congrès extraordinaire, ont rapporté les chaînes d'information NTV et CNN Türk. Les statuts de l'AKP prévoyant que le président du parti soit chef du gouvernement, il perdrait son poste de Premier ministre s'il n'était pas reconduit à la tête de sa formation. Et selon le chroniqueur Abdülkadir Selvi, fin connaisseur des arcanes de l'AKP, Ahmet Davutoglu ne devrait pas présenter sa candidature lors de ce congrès extraordinaire, a-t-il déclaré sur CNN Türk.
"Davutoglu se retire", proclamait jeudi à la une le journal à gros tirage Hürriyet. Le journal Milliyet évoquait de son côté "une transition démocratique" arrangée entre les deux hommes pour éviter une crise au sommet de l'Etat.
Selon l'agence de presse progouvernementale Anatolie, le Premier mininstre devrait s'exprimer, jeudi 5 mai, après une réunion de la direction de l'AKP qui débute à 8 h GMT, et à l'issue de laquelle le congrès extraordinaire devrait être officiellement annoncé. La veille, le Premier ministre a été reçu au palais présidentiel à Ankara par le président turc pendant plus d'une heure et demie, une rencontre cruciale au terme de laquelle aucune déclaration officielle n'a été faite.
Lorsqu'il a été élu président en août 2014 après trois mandats de Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan avait désigné comme successeur le studieux Ahmet Davutoglu, faisant, pour beaucoup, le pari de la docilité. Mais l'universitaire de formation s'est peu à peu taillé une place sur la scène politique turque, se muant en orateur enflammé, notamment durant les négociations de ces dernières semaines lors de l’accord avec Bruxelles sur les migrants.
Pouvoirs réduits pour Davutoglu au sein de l’AKP
Le contrecoup de cette popularité grandissante n’a pas tardé à tomber. Le 29 avril, l'instance dirigeante du Parti de la justice et du développement (AKP) a retiré à Ahmet Davutoglu, son président, le pouvoir de nommer les responsables du parti à l'échelle des provinces et des districts. Cette décision a été perçue comme le résultat d'une campagne émanant de Recep Tayyip Erdogan et visant à saper son autorité.
Si Davutoglu dirige officiellement l'AKP, Erdogan, censé être au-dessus de tout parti en tant que chef de l'État, dispose encore de nombreux fidèles au sein de cette formation politique qu'il a fondée en 2001.
Depuis son élection à la tête de l'État en août 2014, Recep Tayyip Erdogan ne cache pas son ambition de modifier la Constitution pour instaurer un régime présidentiel, un projet publiquement soutenu par Ahmet Davutoglu jusque là. Toutefois, le Premier ministre ne semble pas pressé de le mettre en œuvre.
Davutoglu dit ne craindre "qu'Allah"
Les responsables turcs ont jusqu'ici démenti toute tension entre les deux hommes politiques. Le porte-parole de l'AKP, Omer Celik, a nié toute "crise", affirmant que la décision du comité exécutif de l'AKP n'était qu'une mesure "technique" à laquelle le chef du gouvernement avait donné son accord.
Mais réagissant mardi pour la première fois aux allégations de tensions entre les deux hommes, Ahmet Davutoglu a déclaré : "Peu importe la discorde que certains essaient de semer, peu importe ce que certains écrivent, je ne crains qu'Allah".
Proche du président turc, le chef du Parlement Ismail Kahraman a récemment souligné qu'"une voiture qui a deux chauffeurs ne peut avancer sans faire d'accident. Elle fera immanquablement un accident".
Les successeurs potentiels d’Ahmet Davutoglu Davutoglu sont nombreux et deux noms sont régulièrement cités par la presse : Binali Yildirim, vieux compagnon de route de Erdogan et actuel ministre des Transports, et Berat Albayrak, ministre de l'Énergie et gendre du chef de l'État.
Avec AFP