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Sadiq Khan, un travailliste musulman en passe de prendre la mairie de Londres

Les élections municipales de Londres offrent un duel entre deux hommes que tout oppose. Le conservateur Zac Goldsmith et le travailliste Sadiq Khan, musulman issu des quartiers populaires de la capitale et grand favori des sondages. Portrait.

Jeudi 5 mai, le candidat travailliste Sadiq Khan pourrait bien succéder à Boris Johnson à la mairie de Londres. Avec ses 10 points d’avance sur son concurrent conservateur Zac Goldsmith, le favori des sondages est en passe de devenir le premier maire musulman d’une capitale européenne.

Rien ne prédisposait pourtant ce fils d’immigré pakistanais de 45 ans à prendre les rênes de l’une des plus grandes villes du monde. Sadiq Khan est ce que l’on appelle un modèle d'intégration. Né d’un père chauffeur et d'une mère couturière arrivés en Angleterre peu avant sa naissance en 1970, le jeune Sadiq grandit dans un logement social de la banlieue sud de Londres avec ses sept frères et sœurs.

D'avocat à ministre

Diplôme d’avocat en poche, le jeune travailleur se spécialise dans la lutte contre les discriminations. Passionné par le débat démocratique, Sadiq Khan se lance très vite dans la politique et devient député à l’âge de 34 ans. Trois ans plus tard, son ascension fulgurante le conduit à intégrer le gouvernement travailliste de Gordon Brown. Il devient alors ministre des Communautés en 2008, avant de prendre la charge des Transports jusqu'en 2010. À l’automne 2015, Sadiq Khan remporte les primaires travaillistes à la surprise générale face à Tessa Jowell, la ministre déléguée aux Jeux olympiques sous Blair et Cameron.

Mais Sadiq Khan n’entend pas s’en tenir à cette victoire et se lance tout entier dans la course aux municipales. Face à lui, un candidat conservateur en tout point différent : Frank Zacharias Robin Goldsmith, dit Zac a, lui, grandi dans les beaux quartiers. Comme David Cameron ou Boris Johnson, Zac Goldsmith use ses fonds de culotte sur les bancs d’Eton, l'école des hauts rangs sociaux. À 22 ans tout juste, le jeune homme se retrouve à la tête du magazine The Ecologist, propriété de son oncle, Edward Teddy Goldsmith, célèbre philosophe écologiste. Rien d’étonnant pour celui qui a toujours baigné dans l’univers de la presse : son père, James, riche financier franco-britannique, fut le propriétaire de l'hebdomadaire L'Express. Son engagement politique ne doit rien non plus hasard. Son père déjà avait mené campagne pour le Mouvement pour France (MPF) auprès de son ami souverainiste Philippe de Villiers lors des élections européennes de 1994. À la mort de son père, Zac Goldsmith hérite de la fortune familiale.

Sur les pas de "Ken le Rouge"

Un parcours qui n’impressionne pas Sadiq Khan. Persuadé qu’il peut marcher sur les traces du travailliste Ken Linvingston, dit "Ken le Rouge", qui fut maire de Londres huit ans plus tôt, il se livre dans un duel sans merci face à Zac Goldsmith. Le candidat de confession musulmane est régulièrement la cible d'attaques virulentes du camp conservateur qui l’obligent sans cesse à se justifier de toute accointance avec l’extrémisme religieux. Mercredi 27 avril, pour venir au secours du candidat Zac Goldsmith, David Cameron s'essaye aux attaques ad hominem, lors d'une séance de questions au Premier ministre particulièrement houleuse. Prenant la parole devant les députés au Parlement de Westminster, il accuse Khan d'être apparu à neuf reprises aux côtés de l'imam Sulaiman Ghani, un homme qui, selon David Cameron, "soutient" l’organisation État islamique.

"Je n’ai jamais cessé de dénoncer les extrémistes de façon très ferme, se défend tout de go l’intéressé sur la BBC. J’ai même une fatwa contre moi pour mon combat en faveur du mariage homosexuel. C’est difficile. Mais mon expérience, en tant que musulman britannique, est que Londres est la seule ville au monde ou je veux élever mes filles. Et mon histoire est celle de nombre d’immigrés, d’enfants et de petits enfants depuis des milliers d’années".

Khan et Goldsmith sur le ring

La charge de David Cameron n'a rien d'une première. Dans un entretien à l'Evening Standard, le 13 avril, Zac Goldsmith avait déjà revendiqué le droit de s'interroger sur les relations de son adversaire. Pas sûr pour autant que cette stratégie permette à Goldsmith de refaire son retard dans les sondages, observe Tony Travers, de la London School of Economics (LSE). Sadiq Khan est "clairement un musulman moderne, progressiste" et les attaques soulevant des questions sur sa religion risquent "de se retourner" contre ceux qui les ont lancées, estime le chercheur.

L'intéressé fait fi de ces coups bas. "On était tous boxeurs (dans ma famille). Ça vous donne confiance quand on vous embête", déclarait-il récemment au journal New Statesman. Aux Londoniens d’arbitrer ce combat le 5 mai prochain.