logo

Casseurs, incident avec Finkielkraut : Nuit debout joue-t-il sa crédibilité ?

Des violences contre la police et des débordements pourraient assombrir l’avenir du mouvement citoyen Nuit debout à Paris. Hommes politiques et éditorialistes appellent les acteurs du groupe à préciser leurs intentions.

"On aurait voulu discréditer un mouvement positif mais fragile qu’on ne s’y serait pas pris autrement", a lancé, sans ménagement, Laurent Joffrin, directeur de la publication de Libération, dans un éditorial publié dimanche 17 avril. Après seulement 18 jours d’existence, Nuit debout, ce mouvement citoyen né de l’opposition au projet de Loi travail de Myriam El Khomri, semble être à un tournant. Alors que depuis sa création, le 31 mars, le mouvement se manifeste par des débats et des assemblées générales au cours desquels on refait le monde, hommes politiques de tous bords et éditorialistes pressent désormais ses acteurs de préciser leurs intentions. Et pour cause, les récents débordements liés à l’organisation des rassemblements ont jeté une ombre nouvelle sur cette mouvance.

Samedi soir, l’académicien Alain Finkielkraut a été éconduit de la place de la République à Paris par certains militants, alors qu’il était venu écouter les débats. L’homme, connu notamment pour ses discours anti-multiculturalisme, a été traité de "fasciste" par des personnes présentes. Nuit debout a également eu droit à des mises en garde, ces derniers jours, de la part des autorités à la suite de violences contre les forces de l'ordre et de dégradations à Paris. Dans la nuit de vendredi à samedi, 21 personnes ont été interpellées.

>> À lire sur France 24 : "La parole à Varoufakis, pas à Finkielkraut"

Nuit debout: parole à Varoufakis mais pas à Finkielkraut. L'exercice de démocratie directe qui m'intéressait commence mal!

— Alain Juppé (@alainjuppe) 17 avril 2016

Des incidents qui viennent ébranler l’esprit, a priori bon enfant, qui régnait jusqu’à présent place de la République entre bibliothèques sauvages, stands de légumes et de hot dogs. Selon les règles de cette nouvelle mouvance, n’importe qui peut en effet prendre la parole publiquement à partir du moment où l’assemblée générale l’y autorise par voix de vote à main levée. Un peu plus de deux semaines après le début de ce mouvement social, d’aucuns pointent aujourd’hui les limites de cette mobilisation qui entend élargir le concept de démocratie.

"Plutôt que de palabrer la nuit, venez vous engager en politique"

Et la classe politique française, première cible des Nuit debout, n’est pas la dernière à émettre des critiques. "J'ai envie de dire à tous ces jeunes, vous voulez vous engager ? Vous avez raison ! Mais plutôt que de palabrer la nuit, venez vous engager dans la politique, à droite, à gauche comme vous voulez mais participez au débat politique", a lancé Bruno Le Maire (Les Républicains).

"La liberté de manifester n'est pas la liberté de casser", a quant à elle souligné lundi Myriam El Khomri, la ministre du Travail, avant de déclarer que sa porte restait "ouverte" aux membres de ce mouvement.

Comme chaque soir, plus d'un millier de personnes pour l'AG de #NuitDebout à #Paris ! pic.twitter.com/auuzsin6t2

— Remy Buisine (@RemyBuisine) 16 avril 2016

D’autres incitent les "deboutistes" à "réfléchir à leur avenir". "Que la jeunesse se politise, c'est une bonne chose. Mais on ne peut pas tolérer ce genre de débordements et ils doivent réfléchir au futur de ce mouvement", a estimé Jean-Michel Baylet, ministre des Collectivités locales (PRG). "Je pense que ce genre de mouvement, par nature, doit à un moment trouver son issue. Je pense qu'il faut que ça s'arrête."

"Un certain nombre de limites ont été franchies. Le mouvement doit s'interroger sur la suite", a quant à elle déclaré la ministre de l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, dimanche. "À l'origine, il y avait sans doute quelque chose de plus intéressant, de plus enthousiasmant dans ce mouvement."

"Nuit Debout est au-dessus de tout ça"

Mais pour Nuit debout (qui ne passe plus vraiment ses nuits debout mais ses soirées : la place de la République est investie, avec accord des autorités, de 18 h à minuit), cet enthousiasme est toujours bien présent. "Il n’y a pas de changement notable place de la République. Il y a toujours autant de monde", assure Rémy Buisine, "un observateur du mouvement depuis son premier jour" contacté par France 24. Celui-ci estime entre 1 000 et 1 500 les personnes présentes chaque soir aux assemblées générales place de la République, "un chiffre constant". "Les gens sont au-dessus de tout ça", précise-t-il au sujet de l’expulsion d’Alain Finkielkraut.

Pleins de belles idées pour #DemainDebout #NuitDebout https://t.co/wWxVh3VB3O

— Nuit Debout (@nuitdebout) 17 avril 2016

Rémy Buisine évoque ainsi des "initiatives personnelles". "Ce n’est pas quelque chose que l’on peut attribuer à Nuit debout dans sa globalité. Et puis, Alain Finkielkraut ne s’est pas fait jeter de la place si vite que ce que l'on a dit", explique cet observateur qui diffuse chaque soir sur Periscope - une plateforme d’enregistrement de vidéos éphémères - des informations sur le rassemblement. Lui-même se définit comme extérieur à ce mouvement, qui ne veut ni chef,ni leader ni porte-voix.

Après les violences et les débordements de ces derniers jours, certains membres ont condamné ces actes, à titre individuel.

Malgré une confiance affichée, Nuit debout semble entendre les critiques. Le mouvement a lancé #DemainDebout sur les réseaux sociaux afin de récolter des idées pour le futur. Ses organisateurs seraient également en train d’écrire un manifeste, sorte de synthèse des revendications du mouvement.