
Selon Le Monde, les Panama papers ont révélé qu'un tableau de Modigliani serait secrètement détenu par une riche famille de collectionneurs, via une société offshore. L’œuvre aurait été spoliée à un antiquaire juif pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les révélations des "Panama Papers" pourraient bien mettre fin à un long contentieux juridique autour d’un tableau de Modigliani spolié pendant la Seconde guerre mondiale, selon le journal Le Monde et la presse suisse.
Le tableau "Homme assis (appuyé sur une canne)", peint en 1918 par le maître italien, aujourd’hui estimé à 25 millions de dollars (21,9 millions d'euros), oppose depuis cinq ans Philippe Maestracci, un exploitant agricole de Dordogne de 71 ans, à la puissante et multimilliardaire famille Nahmad, qui a principalement bâti sa fortune en faisant commerce d'œuvres d'arts.
Philippe Maestracci, petit-fils d’un antiquaire juif, accuse le clan Nahmad de détenir illégalement l'œuvre vendue en 1944 par l’administrateur provisoire de la galerie de son aïeul. Une version qu’a toujours réfutée jusque-là la famille Nahmad. Depuis plusieurs années, la justice américaine tente de déterminer qui est le propriétaire du tableau. Mondex, une société canadienne spécialisée ans les œuvres spoliées, a en effet proposé à Philippe Maestracci d'entreprendre des démarches pour récupérer le Modigliani.
Une œuvre bientôt restituée ?
Devant la justice, la famille férue d’art a toujours assuré que le Modigliani ne leur appartiennait pas et qu'il était la propriété d'International Art Center (IAC), une société offshore.
Mais les récentes révélations des "Panama papers" ont montré que les actionnaires d'IAC ne sont autres que les Nahmad eux-mêmes. Le journal suisse Le Matin a publié vendredi 8 avril un document montrant que David Nahmad était même l'unique propriétaire d'IAC depuis janvier 2014.
Jusque-là, les avocats de David Nahmad, marchand d’art et résidant monégasque, et de son fils Helly galeriste à New York, s’étaient toujours retranchés derrière le nom de cette société écran. "Personne d’autre dans le monde, y compris la galerie Nahmad, Helly Nahmad ou David Nahmad ne possède la toile", ont-ils assuré devant la Cour suprême de l’État de New York. Une défense qui semble tomber à l’eau aujourd’hui.
Le tableau du maître italien sommeille actuellement dans les Ports Francs de Genève au milieu des 4 500 pièces dont 300 Picasso de la collection que la famille possède. L’œuvre pourrait bien changer de propritaire, à condition que le tribunal civil de New York s’intéresse à ce nouvel élément.
Histoire d'un tableau spolié, acquis pour 16 000 francs en 1944
Le tableau de Modigliani était détenu par un certain Oscar Stettiner, citoyen britannique juif antiquaire à Paris. Stettiner quittera Paris pour la Dordogne au début de la guerre. C'est en mars 1941 qu'un administrateur provisoire est nommé et disperse ses biens. En juillet 1944, lors d’une vente, "un tableau de Modigliani" est adjugé pour 16 000 francs (3 600 euros). En 1946, après-guerre, Oscar Stettiner évoquera un "portrait d’homme" dans une requête en restitution déposée devant le tribunal de Paris.
L’antiquaire sait qu'un galeriste nommé John Van der Klip a acheté l'œuvre. Van der Klip reconnaît les faits en 1947. Il annonce que le tableau a été vendu à un officier américain dont il ignore le nom. Stettiner meurt en 1948 sans avoir retrouvé son tableau. Sa fille abandonne la recherche. Son fils, et petit-fils de l’antiquaire, Philippe Maestracci déclare avoir toujours su que le tableau avait été avait été spolié, mais que la famille avait fait une croix dessus. La société canadienne Mondex, spécialisée dans la recherche d’œuvres spoliées, trouve en 2011 dans les Archives nationales françaises la trace dudit tableau disparu.
Si Mondex a la preuve d'une exposition à la Biennale de Venise, en 1930, de "L'Homme assis" avec la mention "collection Stettiner", la société canadienne annonce que l’antiquaire aurait très bien pu revendre le tableau entre 1930 et 1944. Quant aux 16 000 francs, même en 1944, la somme paraît dérisoire pour un tel tableau. La pièce manquante au puzzle étant le lien direct entre la vente de 1944 et l’achat de 1996 aux enchères, pour 3,2 millions de dollars d’un tableau dont la provenance indique alors juste qu’il a été acquis par un certain J. Livengood entre 1940 et 1945. Selon Le Monde, les Van der Klip et les Livengood seraient apparentés.