Les hostilités ont repris depuis vendredi dans la région séparatiste arménienne du Haut-Karabakh en Azerbaïdjan. Derrière l’affrontement entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, certains estiment que Moscou et Ankara sont à la manœuvre.
Plus d’une trentaine de morts, dont des civils, en seulement trois jours : les combats en République séparatiste arménienne du Haut-Karabakh, située en Azerbaïdjan, ont soudain repris en ce début de mois d’avril 2016.
L’Arménie accuse l’Azerbaïdjan d’être à l'origine des affrontements dans la soirée du 1er avril "avec chars, artillerie et hélicoptères". De son côté, Bakou dément vigoureusement, assurant que ses forces n’ont fait que répondre à une offensive arménienne et a affirmé, dimanche 3 avril, avoir "décidé de cesser unilatéralement les hostilités".
Dès le lendemain, pourtant, l’armée azerbaïdjanaise a annoncé la mort de trois de ses soldats dans de nouveaux affrontements avec les forces arméniennes. Les combats entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan se poursuivent bel et bien.
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"Il s’agit de la plus importante violation du cessez-le-feu depuis 1994, or quand on regarde la situation dans le détail, on s’aperçoit qu’aucun des deux belligérants n’a intérêt à un conflit important, qui peut très mal se terminer pour tout le monde si ça dégénère sérieusement", souligne Thorniké Gordadzé, chercheur associé au Centre de recherches internationales de Sciences-Po, spécialiste du Caucase, contacté par France 24.
Sortis vainqueurs du conflit il y a 22 ans, les séparatistes n’ont en effet aucune raison de bouleverser une situation territoriale héritée du cessez-le-feu de 1994 qui leur est favorable. Et en poursuivant les hostilités, l’Azerbaïdjan pourrait prendre le risque de provoquer une intervention militaire russe.
La Russie veut garder l'Europe dans son giron gazier
Alors pourquoi les combats ont-ils repris ces derniers jours ? "C’est peut-être davantage dans l’intérêt des puissances régionales de mettre le feu aux poudres", estime Thorniké Gordadzé, pour qui le bras de fer que jouent actuellement la Russie (qui possède des bases militaires en Arménie) et la Turquie (proche de l'Azerbaïdjan) n’est peut-être pas étranger à cet embrasement.
Les relations entre Ankara et Moscou se sont gravement envenimées depuis que l’armée turque a abattu en novembre un bombardier russe en mission en Syrie.
"Après son intervention en Syrie, la Russie pourrait être tentée de reprendre le contrôle de la région du Sud-Caucase, explique Thorniké Gordadzé. Moscou est traditionnellement l’allié d’Erevan mais essaie également depuis quelques temps de se rapprocher de Bakou, en lui vendant des armes notamment."
La position géographique de l’Azerbaïdjan n’est pas anodine. Pays riche en gaz naturel, il représente une alternative à la Russie pour l’approvisionnement énergétique de l’Union européenne. La plus grande chaîne de gazoducs au monde est ainsi actuellement en construction dans le sud du Caucase et doit relier l’Azerbaïdjan à l’Europe.
"Si la Russie déstabilise la région, l’Europe sera obligée de renoncer à ce couloir énergétique", analyse le chercheur.
Erdogan met de l'huile sur le feu
La Turquie, de son côté, pourrait vouloir favoriser un embrasement de la région en poussant l’Azerbaïdjan à intervenir dans le Haut-Karabakh afin de "détourner complètement Bakou de Moscou", selon Thorniké Gordadzé.
"Il y a eu plusieurs rencontres de haut niveau entre la Turquie et l’Azerbaïdjan ces derniers mois et Erdogan n’a cessé d'afficher son soutien au président Aliev", rappelle Thorniké Gordadzé.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a même assuré, dimanche 3 avril, qu’il soutiendrait l'Azerbaïdjan "jusqu'au bout" dans ce conflit et a dit "prier pour que (ses) frères Azerbaïdjanais triomphent". Avant d’affirmer, lundi 4 avril, que "le Karabakh retournera un jour, sans aucun doute, à son propriétaire originel". Des déclarations qui, à la veille de la réunion des médiateurs du groupe de Minsk à Vienne, ne risquent pas de calmer les esprits.