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La ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes a comparé, mercredi 30 mars, les femmes qui choisissent de porter le voile aux "nègres américains qui étaient pour l'esclavage" (sic).

Laurence Rossignol était interrogée sur RMC, à propos des maisons de mode qui se mettent à commercialiser des voiles - à l'instar des chaînes H&M, Marks&Spencer ou encore Uniqlo.

"Il y a des femmes qui choisissent, il y avait aussi des nègres américains qui étaient pour l’esclavage. [...] Je crois que ces femmes sont pour beaucoup d’entre elles des militantes de l’islam politique. Je les affronte sur le plan des idées et je dénonce le projet de société qu’elles portent. Je crois qu’il peut y avoir des femmes qui portent un foulard par foi et qu’il y a des femmes qui veulent l’imposer à tout le monde parce qu’elles en font une règle publique.", a-t-elle développé.

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Pour la ministre, les enseignes qui vendent des vêtements "islamiques" comme les voiles et les foulards sont irresponsables car ils font "d’un certain point de vue, la promotion de l’enfermement du corps des femmes".

La ministre faisait référence à Montesquieu. Problème : ce dernier était ironique.

Sur la toile, les internautes ont été nombreux à s'offusquer de la comparaison avec les esclaves, de l'utilisation du mot "nègre", mais aussi plus largement de l'ingérence dans un "faux débat" sur ce que les femmes musulmanes devraient porter ou non. Sur ce sujet d'ailleurs, certains sociologues, à l'instar de Zahra Ali, font valoir que "les notions de féminisme et d’islam" ne devraient pas être décrites comme incompatibles.

Certains internautes appellent même à la démission de la ministre, estimant inacceptable qu'une ministre tienne des propos "racistes" et "islamophobes". Une pétition sur change.org, signée plus de 2 800 signatures pour le moment, exige par exemple "Que Laurence Rossignol soit sanctionnée pour ses propos racistes !"

Laurence Rossignol compare les femmes voilées aux "nègres américains" mais de quelles femmes voilées parle t-elle ? pic.twitter.com/aRPyCRLrmt

— Saroumane (@SarahDebagh) 30 mars 2016

En fait c'est pas de sa faute @laurossignol a juste raté la formation du gouvernement contre le racisme ... pic.twitter.com/ijBRzfFp9H

— Widad.K (@widadk) 30 mars 2016

Une justification qui ne passe pas...

Alors que la polémique continuait d'enfler, Laurence Rossignol s'est justifiée auprès de BuzzFeed News : "Le mot nègre est un mot péjoratif qui ne s’emploie plus que pour évoquer l’esclavage en référence à l’ouvrage abolitionniste "De l’esclavage des nègres" de Montesquieu. Il n’y a donc pas de provocation de ma part ni de volonté de choquer. C’est un mot que je n’emploie en aucune autre circonstance." Avant de reconnaître : "J’ai sous-estimé que la référence n’était pas évidente." Mais cette justification a peiné à convaincre :

Rossignol est quand même en train de nous dire qu'utiliser nègre c'est pas raciste parce que Montesquieu.

Je.

— La copine dodue. (@ThisisKiyemis) 30 mars 2016

Dorénavant, vous pourrez utiliser le mot nègre en toute décontraction tant que c'est dans "l'esprit de Montesquieu." Allez, bonne journée.

— Perrine Stenger (@PerrineST) 30 mars 2016

Jusqu'à ce que Audrey Pulvar estime à son tour que "Montesquieu a bon dos" et que l'emploi du mot "nègre" est "inadmissible". Problème : pour la journaliste, le propos de Laurence Rossignol est néanmoins "juste sur le fond".

Le propos de @laurossignol est juste sur le fond.Dommage, le voilà occulté par l'emploi,inadmissible, du mot "nègre". Montesquieu a bon dos.

— Audrey PULVAR (@AudreyPulvar) 30 mars 2016

C'est donc la polémique dans la polémique : des internautes n'ont pas tardé à répliquer que les propos de la ministre sont scandaleux "sur le fond comme sur la forme" : 

@AudreyPulvar Chère Audrey.Non,elle n'a pas raison sur le fond.Les femmes voilées autour de moi l'ont choisi. Et oui!Elles ont un cerveau!

— Nassira El Moaddem (@NassiraELM) 30 mars 2016

Bonjour @AudreyPulvar,le propos est débile sur le fond comme sur la forme, au revoir @AudreyPulvar

— Je suis (@LhommeZer) 30 mars 2016

... d'autant plus que Montesquieu était ironique

La bourde de la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes est vraisemblablement irrattrapable. Car il faut rappeler que "De l'esclavage des nègres" est un extrait de "De l'Esprit des Lois", peinture sociale que Montesquieu publie en 1748 pour analyser les moeurs de l'époque. Or, dans ce texte, à la manière de Voltaire, "Montesquieu utilise l'ironie pour dénoncer les esclavagistes".

"Une preuve que les nègres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez les nations policées, est d'une si grande conséquence", peut-on lire sous la plume cynique de Montesquieu, fervent militant anti-esclavagiste.

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