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Isolés, les Congolais attendent les résultats d'une présidentielle sans suspense

Coupés du reste du monde, les Congolais se sont rendus aux urnes dimanche, pour une élection présidentielle organisée dans un climat particulier et dont le grand favori reste le chef d’État sortant, Denis Sassou-Nguesso.

C'est dans un contexte particulier, alors que le Congo-Brazzaville est coupé du monde, que les électeurs ont voté dimanche 20 mars pour une présidentielle dont on ignore tout des tendances, faute de sondages de sortie des urnes.

À 72 ans, le chef de l'État sortant, Denis Sassou-Nguesso, qui cumule plus de 32 ans de pouvoir dans ce petit état pétrolier d'Afrique centrale, brigue un troisième mandat consécutif. L'opposition n’a eu de cesse de dénoncer les modalités d'organisation du scrutin, dont les résultats pourraient être connus à partir de mardi.

Le gouvernement avait en effet décidé de couper toutes les télécommunications (téléphone, Internet, SMS) dans le pays pour 48 heures - dimanche et lundi - "pour des raisons de sécurité et de sûreté nationales" afin d'empêcher les opposants de publier des "résultats illégaux". L'opposition y a vu une manœuvre pour compliquer la tâche des scrutateurs. L'usage de véhicules motorisés avait été également interdit dans l'ensemble du pays et des barrages ont été dressés dans la capitale pour faire respecter cette interdiction.

En l'absence de communications téléphoniques, les journalistes de l'AFP présents à Brazzaville n'ont pas été en mesure d'obtenir d'informations de sources indépendantes sur le déroulement du scrutin dans le reste du pays. Jugeant que les conditions d'un scrutin transparent et démocratique n'étaient pas réunies, l'Union européenne avait renoncé à missionner des observateurs. L'Union africaine en a dépêché une trentaine, et la Conférence internationale sur les Grands Lacs (CIRGL) une vingtaine.

Dans ce qui semble avoir été un bref moment isolé de violence, la police antiémeutes a dispersé avec des gaz lacrymogènes quelque 200 jeunes partisans du candidat d'opposition Guy-Brice Parfait Kolélas, qui insistaient pour assister au dépouillement à l'intérieur d'un bureau de vote de Makélékélé, dans le quartier sud de Brazzaville.

Denis Sassou-Nguesso avait huit adversaires face à lui, notamment le général en retraite Jean-Marie Mokoko, qui fut son conseiller à la sécurité. Cinq candidats de l'opposition se sont engagés à soutenir celui d'entre eux qui arriverait au second tour pour faire barrage au chef de l'État.

Un scrutin joué d'avance ?

Denis Sassou-Nguesso a dirigé le Congo de 1979 à 1992, année où il a été battu à la présidentielle par Pascal Lissouba. Il est revenu au pouvoir cinq ans plus tard au terme d'une guerre civile et a remporté les scrutins présidentiels de 2002 et de 2009.

Le président sortant peut briguer un nouveau mandat, ramené de sept à cinq ans, grâce à la modification institutionnelle controversée qu'il a fait valider par référendum à l'automne dernier. La Constitution ne limite plus à deux mandats l'exercice de la fonction suprême et a levé les restrictions d'âge imposées aux candidats.

Cette élection marque un "progrès pour notre démocratie", a déclaré Denis Sassou-Nguesso en votant dans son bureau de vote de Brazzaville, ajoutant que le scrutin se déroulait à sa connaissance dans le calme.

Ses adversaires jugent que la richesse pétrolière du pays n'a profité qu'à une petite élite. La moitié de la population totale du pays (4,5 millions d'habitants) vit dans la pauvreté et le taux de chômage avoisine les 40 %.

"Commission technique" parallèle

"N'ayant aucune confiance dans la Commission nationale électorale indépendante (CNEI) chargée de publier les résultats, les cinq candidats du pacte anti-Sassou - Guy-Brice Parfait Kolélas, Jean-Marie Michel Mokoko, Claudine Munari, André Okombi Salissa et Pascal Tsaty Mabiala - ont créé une "commission technique" parallèle pour surveiller le scrutin, jugeant que les conditions n'étaient pas remplies pour des élections "sincères, crédibles et transparentes". Refusant pour autant de boycotter le scrutin, ils ont appelé le peuple à "exercer sa souveraineté" dans le cas où le président sortant l'emporterait dès le premier tour, comme il l'a promis à ses partisans.

Le gouvernement a jugé ces appels "insurrectionnels". Craignant des violences après le scrutin, les Nations unies avaient appelé jeudi toutes les parties au calme. Vendredi, l'opposition avait prévenu qu'elle avait observé des préparatifs en vue d'une fraude massive, des électeurs ayant notamment été inscrits dans plusieurs bureaux de vote différents, d'autres bénéficiant de plusieurs cartes d'électeurs.

À Mafouta, bastion de l'opposition, des électeurs patientant dans la file d'attente déclaraient dimanche matin avoir constaté que les listes d'émargement comportaient les noms d'électeurs décédés depuis des années. Un journaliste de Reuters a de son côté vu trois noms inscrits à deux reprises, avec les mêmes dates de naissance et les mêmes filiations. Dans un bureau de vote de Ouenzé, dans le nord de la capitale, un journaliste de l'AFP a constaté que 4,5 % des bulletins, tous pour Denis Sassou-Nguesso, étaient imprimés sur un papier brillant, alors que tous les autres l'étaient sur un papier mat.

Avec AFP et Reuters