Les envoyés spéciaux de France 24, Mayssa Awad et Roméo Langlois, se sont rendus dans le nord-est de la Syrie, afin de rencontrer les Sanadid, des combattants sunnites issus de la tribu bédouine des Shammar, qui luttent contre l’EI. Reportage.
Dans le nord-est de la Syrie, des combattants sunnites peu connus se dressent en rempart contre l’organisation État islamique (EI). Surnommés les Sanadid, les Braves, ils appartiennent à la tribu bédouine des Shammar, qui comptent au moins trois millions de membres dans le monde arabe.
Ces hommes qui disent vouloir "se battre jusqu'à la mort" pour libérer leur terre de la "vermine", ont la particularité de représenter la principale force arabe qui lutte contre l’EI dans cette région, avec qui les accrochages sont quotidiens. Si leur poids militaire reste relativement modeste, les Sanadid, qui bénéficient de l'appui aérien de la coalition internationale, parviennent à mettre en difficulté les jihadistes. Même s’ils confessent manquer de tout : eau, électricité pour recharger leurs radios, et surtout matériel militaire.
Pragmatisme et légitimité
"Sur place, nous avons vu des armes légères et des Kalachnikovs, mais très peu de mitrailleuses, peu de mortiers, et aucun blindé, précise Roméo Langlois, grand reporter à France 24. Ils sont donc largement tributaires de l’aide militaire, de la logistique et du savoir-faire stratégique de leurs alliés, les combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG)".
"Toutefois, ajoute le reporter, leur poids politique est extrêmement important puisqu’ils ont peut-être la plus grande légitimité à reprendre un jour le contrôle des régions arabes sunnites du nord-est de la Syrie, actuellement aux mains de l’EI."
Et c’est avec cet espoir que leur chef, le cheikh Hamidi Al-Daham Al-Hadi, s'est allié aux forces kurdes qui tiennent la région. "Nous sommes maintenant très soudés avec nos frères les combattants kurdes, nous appuyons leurs décisions, surtout si elles garantissent l'unité de la Syrie", précise-t-il à France 24.
Une alliance très pragmatique sachant que les relations arabo-kurdes sont historiquement aussi complexes que difficiles. "En octobre dernier, les Kurdes ont organisé une espèce de grande coalition de combattants arabes, de forces kurdes et de milices chrétiennes, baptisée Forces démocratiques syriennes afin de lutter contre les jihadistes, note Roméo Langlois. C’est une alliance nouvelle qui jouit de l’aide militaire américaine et qui va essayer d’occuper militairement, dans les prochaines semaines, les prochains mois, un maximum de terrain afin de pouvoir peser dans d’éventuelles négociations de paix".
"Cette nouvelle vague de fanatisme est la pire de toutes"
Toujours est-il qu’à l'instar de leurs alliés kurdes, les Shammar font l'objet de critiques de la part de certains groupes rebelles syriens. Car ils ont, jusqu’ici, évité d'entrer en confrontation ouverte avec le régime du président Bachar al-Assad.
"Nous ne sommes pas en en guerre contre le régime, réplique le chef des Shammar de Syrie. Nous avons dépassé cette question de savoir si on était pour ou contre le régime, car les gens veulent la sécurité et le retour à la vie normale, c'est tout".
Pour lui et ses hommes, l’EI reste la première menace. Déjà en Arabie, au XIXe siècle, ses ancêtres bédouins s'opposaient aux adeptes de l'islam intégral. "On ne peut pas appliquer à la lettre des principes vieux de plusieurs siècles et les transférer à notre époque, explique-t-il. Nous étions à deux doigts d'oublier le wahabbisme [vision rigoriste de l'islam sunnite qui est appliquée en Arabie Saoudite, NDLR] et les horreurs qu'on a subies, mais cette nouvelle vague de fanatisme est la pire de toutes, car aujourd'hui ils sont encore plus sauvages".
Les Sanadid, qui compteraient aujourd'hui 4 000 combattants, ne cachent pourtant pas que l’EI avait, à ses débtus, rallié certains jeunes Shammar à sa cause. "Il y a des jeunes qui les ont rejoints par appât du gain, par la volonté de s'enrichir, indique cheikh Bandar, commandant militaire des Sanadid. Certains ont été recrutés par la force, tandis que d'autres se sont fait laver le cerveau et ont fini par croire à l'illusion d'un califat islamique".
Mais cette armée des Braves est sutout fière d'avoir su rallier à sa cause une grande partie de cette jeunesse égarée. Jour après jour, elle prépare avec détermination les prochaines batailles et la reconquête des bastions encore occupés par l’EI.