Avec 11 médailles dont six en or aux Mondiaux, le biathlon français a confirmé qu’il était l’un des pourvoyeurs majeurs de succès du sport hexagonal. Miraculeux pour une discipline confidentielle, qui passionne de plus en plus le public français.
Six titres, onze médailles et une première place au classement des nations qui ne souffre d’aucune contestation. À Oslo, l’édition 2016 des Championnats du monde de biathlon a consacré une équipe de France au sommet de sa forme, devant les mastodontes de la discipline que sont la Norvège, l’Allemagne et l’Autriche. Un petit miracle pour une délégation au budget restreint, mais qui parvient presque systématiquement à tirer son épingle du jeu.
Difficile, au vu des chiffres, d’expliquer les raisons du succès du biathlon français. Déjà, parce que la discipline est considérée, au mieux, comme un sport secondaire en France. Et à juste titre : en constante augmentation depuis 20 ans, le nombre de licenciés dans les clubs de l’hexagone plafonne toutefois autour de 500. À titre de comparaison, la Fédération française de football compte plus de 2 millions de licences tandis que le tennis, lui, compte plus d’un million d’inscrits sur ses listes.
Un pourvoyeur de médailles autrefois peu considéré
Pourtant, depuis deux décennies, les résultats de ce microscopique contingent rivalisent très largement avec les bilans d’autres disciplines hivernales considérées comme "majeures" par les instances sportives françaises.
Depuis 1992 et les JO d’Albertville, le biathlon a récolté 20 médailles dont six titres olympiques. Un meilleur bilan que celui du sacro-saint ski alpin, qui compte 13 breloques dont quatre en or sur la même période. Pourtant, malgré les statistiques, le biathlon continue de se serrer la ceinture : en 2010, lors des JO de Vancouver, le budget alloué à la préparation de Vincent Jay et ses coéquipiers plafonnait à 780 000 euros, tandis que l’alpin disposait d’une manne évaluée à 4 millions d’euros. Bilan : six médailles dont deux en or pour le premier, tandis que le second connaissait un retentissant zéro pointé.
Depuis, le rapport de force s’est quelque peu rééquilibré, même si le ski alpin, sport phare des disciplines hivernales, reste le moteur économique du milieu. Avec plus de 120 000 licenciés en France, il génère l’essentiel des revenus de sponsoring et cristallise donc les investissements des instances.
L’effet Fourcade
Malgré cette relative indifférence, le biathlon a fait son petit bonhomme de chemin, année après année. Grâce à la médiatisation grandissante de ses champions, il est devenu un rendez-vous incontournable à chaque olympiade, mais aussi à chaque grand rendez-vous hivernal (Coupe du monde, Mondiaux).
Et si les exploits de Raphaël Poirée dans les années 2000 n’avaient qu’un retentissement modéré, la domination de Martin Fourcade depuis 2010 est scrutée avec beaucoup plus d’attention par les médias et les spectateurs.
Une médiatisation grandissante…
La chaîne de la TNT L’Équipe 21 n’y est d’ailleurs pas totalement étrangère. En novembre 2015, elle s’est adjugée les droits de diffusion de la discipline jusqu’en 2018. La direction, qui espérait réunir 250 000 à 300 000 spectateurs sur les dates de la Coupe du monde, a attiré un bien plus large public.
Dimanche 13 mars, lors de la mass-start hommes, L’Équipe 21 a réalisé une audience moyenne supérieure à un million de téléspectateurs, avec un pic d’audience à 1 330 000. Un record pour la chaîne, qui a même franchi à trois reprises le pallier du million depuis le début du mois de mars. Loin, très loin des audiences de la période Eurosport, qui réunissait péniblement 200 000 personnes devant les grands rendez-vous.
… mais loin de celle des grands pays
Cet engouement, alimenté par les prestations des Fourcade, Dorin-Habert et autres Bescond, reste toutefois très confidentiel en comparaison des centaines de milliers de personnes qui se massent, chaque saison, aux abords des circuits tracés en Norvège, en Russie ou en Allemagne.
À Ruhpolding, Mecque du biathlon outre-Rhin, ils sont par exemple près de 100 000 fanatiques à assister aux compétitions chaque hiver, et beaucoup plus à suivre la saison dans son ensemble sur les diffuseurs allemands (ZDF et ARD).
Mais même sans cette popularité de masse, le biathlon français continue de faire la nique aux "grandes" nations. Une dynamique que les instances souhaitent entretenir, comme le soulignait la semaine passée le directeur des équipes de France de biathlon au micro d’Europe 1. La France se donne désormais "les moyens de ses ambitions" pour accompagner ses champions, expliquait-il, alors que les Bleus brillaient comme jamais sur la piste d'Oslo. Un contexte idéal pour préparer avec sérénité les prochains Jeux olympiques d'hiver, à Pyeongchang (Corée du Sud), en 2018. Pour les porte-étendards du biathlon français, le rendez-vous est déjà pris.