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En images : les visages féminins de l'exil exposés à ciel ouvert

À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le Parlement européen et le collectif de photojournalistes #Dysturb sensibilisent le public au sort des femmes qui espéraient trouver refuge en Europe.

Le chemin de l’exil est semé d’embûches pour tous ceux qui fuient la guerre et les conflits. Mais les femmes et les filles figurent parmi les plus vulnérables. Que ce soit dans leur pays d’origine, pendant le voyage, ou même à leur arrivée sur le territoire européen, elles sont exposées aux violences, aux agressions, à l’exploitation et au harcèlement sexuel. 

Pour la journée internationale des droits des femmes, le Parlement européen et le collectif de photojournalistes #Dysturb ont décidé de mettre en lumière le sort de ces migrantes et réfugiées. Onze photos, tirées en très grands formats, sont affichées depuis le 6 mars dans les rues de Paris, Barcelone et Bruxelles, donnant à voir le visage féminin d’une crise humanitaire sans précédent.

Les femmes sont en effet de plus en plus nombreuses à fuir leur pays. En 2015, sur le million de migrants arrivés en Europe, 20% étaient des femmes. Depuis le début de l’année 2016, 55% des réfugiés arrivés en Grèce pour demander l’asile en Europe étaient des femmes et des enfants, selon l’UNHCR. Un phénomène inquiétant qui ne pouvait échapper aux photoreporters de #Dysturb.

Déranger le public

Né il y a près de deux ans, #Dysturb s’est donné pour mission de "déranger" le public, comme son nom l’indique, en collant des photos de reportage dans la rue. "L’idée, c’est d’interpeller le public parce que les gens ne veulent pas savoir ce qu’il se passe dans le monde, alors on leur impose des images qu’ils ne vont pas chercher par eux-mêmes", expliquait à France 24 l’un de ses fondateurs, le photographe Pierre Terdjman, lors de l’une des toutes premières opérations de collage sauvage dans Paris, en mai 2014.

>> Sur France 24 : "#Dysturb : le photojournalisme fait le mur à Paris"

Biberonné au hip-hop et au street art, le trentenaire s’est instinctivement tourné vers la rue pour alerter l’opinion : "Dans les années 70, les artistes se servaient de la rue pour dénoncer la guerre au Vietnam. J’ai voulu faire pareil", racontait-il encore.

Guerre en Ukraine, en Centrafrique, au Mali… la bande de photographes a donc pris l’habitude de jeter l’actualité "dans la gueule du public". Dernièrement, la crise des migrants a été la cible de leurs objectifs, notamment celui de Marie Dorigny dont trois photos sont affichées dans le cadre de la campagne #Dysturb. Une exposition présente parallèlement son travail au Parlementarium de Bruxelles, jusqu’au 1er juin.

Des femmes en détresse

Mandatée par le Parlement européen, la photojournaliste s'est rendue en Grèce, en Macédoine et en Allemagne de décembre 2015 à janvier 2016, pour suivre les trajectoires de femmes afghanes, syriennes et irakiennes aux points d’arrivée, de transit et à destination.

"J’ai pu constater la détresse des femmes migrantes, qui va au-delà du seul traumatisme de l’exil. J’ai vu des femmes enceintes s’évanouir en descendant des canots à Lesbos [île grecque, ndlr] tellement elles avaient eu peur de mourir pendant la traversée. Après cela, elles sont nombreuses à accoucher prématurément dans les centres de transit, en grande précarité", témoigne la photographe.

"Les centres d’accueil peuvent être d’une grande violence pour des jeunes femmes : imaginez une jeune afghane qui dort à même le sol au milieu d’une population de migrants composée à 80 % d’hommes… Elles sont terrorisées", poursuit Marie Dorigny, qui dénonce la "catastrophe humanitaire" qui se joue aux portes de l’Europe.

Crier dans le vide

Familière de ces questions, Marie Dorigny avait travaillé sur les filières clandestines et les trafics d’êtres humains en Europe de l’est il y a plus d’une dizaine d’années. Aujourd’hui, les problématiques restent les mêmes. Dans un rapport publié en janvier par Amnesty International, beaucoup de migrantes ont indiqué avoir connu agressions physiques et exploitation financière, avoir été touchées de manière inappropriée ou subi des pressions pour les inciter à avoir des relations sexuelles avec des passeurs, des employés chargés de la sécurité ou d’autres migrants.

"En arrivant dans des centres d’accueil, ces femmes déjà vulnérables se retrouvent face à des barrières supplémentaires qui aggravent encore leur situation", explique la photographe. "L’Europe construit des murs et chaque pays essaye de se décharger du problème sur son voisin sans percevoir que les migrants sont une richesse pour notre vieille Europe", se désespère-t-elle.

"Les journalistes racontent ces histoires individuelles mais cela fait longtemps que les politiques ne nous écoutent plus", ajoute-t-elle, entre colère et épuisement. Prête à se décharger du "fardeau migratoire" sur la Turquie, contre espèces sonnantes et trébuchantes, l'Europe forteresse ferme inexorablement ses portes... et ses yeux.  Avec l’opération #Dysturb, le public, lui, ne peut pas détourner le regard.