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Les manifestations étudiantes, cauchemar des gouvernements

Mercredi 9 mars, la jeunesse française a décidé de hausser le ton face au projet de loi Travail. Tremble, François Hollande, il suffit de regarder en arrière pour affirmer que les mouvements étudiants peuvent coûter cher au pouvoir en place.

Depuis l’annonce par les principaux syndicats étudiants d’une grande journée de mobilisation contre le projet de loi Travail, le spectre d’un nouveau CPE plane dangereusement au-dessus du gouvernement. Malgré son ajournement en Conseil des ministres, les organisations étudiantes et lycéennes descendront en effet dans la rue le mercredi 9 mars pour réclamer le "retrait complet" de la réforme El Khomri. Une grande première dans l'histoire politique française : jusqu'ici, aucun gouvernement de gauche ne s'était encore retrouvé confronté à un mouvement étudiant. 

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Pour les leaders du mouvement, cette grande manifestation ne devrait d’ailleurs être qu’un "tour de chauffe" avant d’entamer les véritables hostilités, comme l'a déclaré William Martinet, président de l'UNEF: 

.@WilliamMartinet "On va tout faire pour mobiliser dans les facs, le 9 ce sera un tour de chauffe, on entre dans un mois de mobilisation"

— UNEF (@UNEF) 3 mars 2016

Le spectre du CPE

Dans ce contexte, les comparaisons avec la mobilisation contre le Contrat première embauche (CPE), qui avait cristallisé la rupture entre le gouvernement et le milieu étudiant il y a 10 ans, se multiplient. En mars 2006, ils furent des centaines de milliers de jeunes à descendre dans les rues de France pour protester contre ce contrat de travail proposé par Dominique de Villepin, alors Premier ministre. S’en suivront trois mois de manifestations dans tout le pays et des blocages d’universités pendant de longues semaines. Bilan : un bazar monstre et un projet de loi finalement abandonné. 

Loi El Khomri. 10 ans après le CPE, reprenons la rue ! Nous refusons d’être de la chair à patron ! https://t.co/2RCQEBfzQZ #loitravail

— NPA jeunes (@NPA_jeunes) 27 février 2016

Le risque de la bavure

En remontant plus loin dans l’histoire, il va de soi que les mouvements étudiants ont souvent été de véritables bombes à retardement. En 1986, la grogne suscitée par le projet de loi Devaquet, destiné à augmenter la compétitivité des universités, avait eu de désastreuses conséquences : un jeune homme, Malik Oussekine, était mort sous les coups des policiers, forçant le ministre de l’Enseignement supérieur Alain Devaquet à la démission. Cette grave crise avait fini par égratigner Jacques Chirac, alors Premier ministre, en diminuant ses chances de remporter les élections présidentielles l’année suivante. "Cela n'a pas été l'unique raison de son échec, mais forcément, ces manifestions ont beaucoup joué en sa défaveur à quelques mois du vote", analyse Robi Morder, politologue spécialiste des mouvements lycéens et étudiants. Il s'agirait pour François Hollande de ne pas prendre trop de coups avant la bataille de 2017.

Dix ans avant ces événements, les fortes protestations qui éclatèrent dans les facs de France à l’annonce du projet de loi Saunier-Seïté - visant à réformer le deuxième cycle universitaire - prouvèrent là encore que les mouvements étudiants ont tout de machines à fabriquer des bâtons dans les roues. De ces grèves, étalées sur trois mois, avaient émergé quelques jeunes pousses de la politique, et pas des moindres : Jean-Christophe Cambadélis, alors trotskiste, Julien Dray, qui milite à cette époque à la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) ou encore Jean-Marie Le Guen, membre fondateur de l’Unef-ID.

Aujourd'hui, le premier est devenu le Premier secrétaire du Parti Socialiste, le deuxième est actuellement député PS de la 10ème circonscription de l'Essonne, quand le troisième est Secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. La majorité en place est donc bien placée pour le savoir : les manifestations étudiantes sont aussi d’efficaces générateurs de jeunes premiers prêts à se lancer dans de longues carrières politiques. Bruno Juillard, président de l’Unef au moment de la crise du CEP, aujourd’hui premier adjoint au maire de Paris chargé de la Culture, ne peut lui non plus dire le contraire.  

Grève générale en 68

Remontons jusqu’à Mai 68, véritable symbole de la lutte étudiante. D’abord enclenchées par une jeunesse parisienne en mal de liberté, les protestations, superposées au mouvement ouvrier, finiront par plonger la France dans un état de grève générale jamais égalé. Ce mercredi 9 mars, aux côtés des organisations de jeunesse, défileront des syndicats de la SNCF, de la RATP, la CGT-Air France, la fédération CGT des services publics (fonctionnaires territoriaux), la CGT-Commerce, Sud-PTT, une intersyndicale des praticiens hospitaliers ou encore la Snes-FSU, premier syndicat de l'enseignement secondaire. Cela risque de faire du monde.

"Un certain nombre d'ingédients est effectivement réuni pour inquiéter le gouvernement, qui traverse une phase politiquement et socialement fragile à près d'un an des présidentielles. Néanmoins, on ne peut pas encore affirmer avec certitude que ce mouvement aura d'aussi lourdes conséquences que les crises de 1986, du CIP ou du CPE", poursuit Robi Morder. Les ingrédients sont là. Reste donc aux étudiants à réussir leur recette.