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Avec la trêve, les Syriens profitent d'un calme relatif pour retourner manifester

La trêve en vigueur en Syrie depuis le 27 février apporte aux habitants un peu de quiétude, après cinq ans d’un conflit sanglant. Certains profitent de ce répit pour manifester de nouveau contre le président Bachar al-Assad.

Après cinq ans de guerre et de violences, de nombreux Syriens à travers le pays goûtent à un calme relatif et inhabituel grâce à la trêve entrée en vigueur le 27 février. Cette cessation des hostilités négociée et surveillée par Washington et Moscou est sans précédent depuis le début du conflit dans lequel plus de 270 000 personnes sont mortes et des millions d'autres ont été déplacées.

Malgré les accusations mutuelles de violations du cessez-le-feu, celui-ci semble tenir "de façon générale", selon Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, qui souligne que "le niveau de violence dans le pays a été fortement réduit". Ce répit est censé permettre aux différentes parties de retourner à la table des négociations. L'opposition syrienne doit décider dans les prochains jours de participer ou non aux pourparlers prévus le 14 mars.

Reprendre les manifestations anti-Assad

Nombreux sont donc les Syriens qui se délectent de vivre sans bombardements. Au-delà de cela, certains ont voulu profiter de ce répit pour reprendre les manifestations contre le régime de Bachar al-Assad, sous le slogan "la révolution continue". Pour la première fois depuis plusieurs années, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans les rues scander des hymnes anti-Assad et agiter le drapeau adopté par les révolutionnaires en 2011, dans les provinces d’Alep, Damas, Homs et Deraa.

"Vous pouvez dire que nous sommes revenus au début" de la révolte, a affirmé à l'AFP Hassan Abou Nouh, un militant de la ville rebelle de Talbissé, dans le centre de la Syrie, joint par téléphone. La dernière manifestation à Talbissé avait eu lieu en juin 2012, selon Abou Nouh. En raison des bombardements et des raids aériens, les habitants n'osaient plus sortir pour défiler.

En reprenant les manifestations du vendredi, ils montrent au monde que la lutte contre Assad perdure, alors que les exploits des jihadistes en Syrie occupent désormais le devant de la scène avec l’entrée en jeu de l’organisation État islamique. Ils cherchent également à faire taire les voix, nombreuses, qui affirment que les rebelles dits "modérés" anti-Assad n’existent peu ou plus. Nombreux en effet sont les opposants de la première heure qui estiment que leur révolution leur a été confisquée par les jihadistes et par l’internationalisation d’un conflit aux implications multiples.

À Alep, plus de 200 personnes ont marché dans les rues des quartiers rebelles, a constaté un journaliste de l'AFP. "Avec la trêve, nous avons saisi l'opportunité d'exprimer pourquoi nous étions sortis au tout début, pour réclamer la chute du régime", explique ainsi Abou Nadim, un militant local.

Vidéo d'une manifestation à Douma, bastion rebelle près de Damas, postée sur Facebook

تنسيقية #دوما::اليوم يراقب العالم مندهشاً كيف لهذا الشعب الذي تعرض لآلاف القنابل وآلاف الصواريخ والغارات والبراميل كيف له أن ينهض من جديد من تحت الركام لينبعث كالمارد!من قلب الغوطة المحاصرة يعد ثوارها بأن "لا تحزني يا شام وأننا جايننك يا شام "#سقباجمعة #الثورة_مستمرة#TheRevolutionContinues#

Posted by ‎تنسيقية مدينة دوما - الثورة السورية في ريف دمسق‎ on Sunday, 6 March 2016

Tout avait commencé en Syrie en mars 2011 par des manifestations de dizaines de milliers de personnes chaque vendredi contre le régime. Elles avaient été réprimées brutalement, puis le conflit s'était progressivement transformé en révolte armée. À partir de 2013, les manifestations avaient cessé en raison de la guerre civile.

Les opérations humanitaires et de secours facilitées

La diminution des bombardements et des violences apportent en outre un répit aux médecins et secouristes, soumis à rude épreuve durant le conflit. Comme ils n'ont personne à secourir, pour la première fois depuis longtemps, les "casques blancs", la défense civile des régions rebelles, savourent ce calme fragile retrouvé. "Nous sommes 2 835 volontaires présents dans huit provinces, depuis mars 2013. D'habitude, chacun de nos 114 centres reçoit 50 appels par jour, mais samedi, nous n'en avons eu au total que 10 sur l'ensemble du pays", commente pour l'AFP Bassem Abdel Rahmane, responsable de la communication des "casques blancs".

Dans les hôpitaux aussi, les effets positifs de la trêve sont ressentis. À Soukkari, quartier rebelle du sud d'Alep, le directeur de l'hôpital n'en revient pas. "Depuis deux jours, nous n'avons vu arriver aucun blessé par balle, aucune victime d'un bombardement, nous n'avons reçu que des malades 'normaux'", a raconté à l’AFP Hamza al-Khatib. "Avant, ils n'osaient pas venir par peur d'être blessés en chemin, ou pire encore, estropiés à l'hôpital, car notre établissement a été à plusieurs reprises la cible de l'aviation ou de l'artillerie", a-t-il expliqué.

La grande métropole du nord de la Syrie, ancien poumon économique du pays, paye un lourd tribut à la guerre, puisqu’elle est quasiment la seule ville coupée en deux depuis juillet 2012. Les forces du régime et les rebelles s'y affrontent à courte distance de part et d'autre de la ligne de démarcation.

Mettant à profit cette trêve, l'ONU a annoncé qu'elle porterait assistance dans les cinq prochains jours à 154 000 personnes dans des localités syriennes assiégées. D'après le Croissant-Rouge syrien, une vingtaine de camions chargés de produits de nettoyage, savons et couvertures fournis par l'ONU sont entrés à Mouadamiyat al-Cham, localité rebelle située au sud-ouest de Damas et encerclée par les forces du régime depuis plusieurs années.

Déclenché en mars 2011 par la répression de manifestations pacifiques pro-réformes, le conflit a dégénéré en guerre civile qui a fait plus de 270 000 morts et provoqué une crise humanitaire majeure avec 13,5 millions de personnes en situation de vulnérabilité ou déplacées en Syrie et 4,8 millions de réfugiés dans les pays limitrophes et au-delà, selon l’ONU.
 
Avec AFP