FRANCE 24 a rencontré Tiken Jah Fakoly qui, grâce à son reggae particulièrement passionné, est devenu le porte-parole de la jeunesse ivoirienne et, plus largement, africaine. Retour sur le parcours d'un artiste engagé, enragé, enchanté...
Tiken Jah Fakoly, une voix de l’Afrique militante
FRANCE 24 a rencontré l’une des figures de proue du reggae africain : Tiken Jah Fakoly. Au fil des années, cet Ivoirien à l’identité multiple s’est affirmé comme un représentant de la Côte d’Ivoire et plus largement d’une Afrique francophone révoltée par les conflits et la corruption qui minent le continent. Avec ses chansons écrites à l’adresse des dirigeants africains et ses concerts survoltés, Tiken Jah Fakoly est devenu le porte-parole d’une jeunesse désabusée mais néanmoins engagée. Retour sur le parcours d’un reggaeman emblématique.
Le griot des temps modernes
Dans les années 1970, Tiken Jah Fakoly, de son vrai nom Doumbia Moussa Fakoly, découvre le reggae de Bob Marley et les combats qu’il représente. C’est en écoutant le chanteur des Wailers que le jeune ivoirien a pris conscience qu’au-delà de la Jamaïque "des voix méritaient de se lever au nom de l’Afrique".
En 1989, il monte alors son premier groupe et sort, en 1993, son premier album "Djelys" qui signifie "griot" en dioula, sa langue maternelle. Véritable conteur itinérant, le griot occupe une place prépondérante dans la société africaine. "On a besoin d’eux pour les mariages et les funérailles. Mais il est impossible que la fille d’un griot puisse se marier avec quelqu’un qui est descendant d’un noble. On les acclame quand on a besoin d’eux, mais on les considère comme des êtres inférieurs. C’est injuste."
Dès son premier album, le chanteur se fait fort de défendre la société dans laquelle il vit. D’ailleurs, c’est en parlant au nom du peuple que Tiken Jah Fakoly a gagné le titre de griot. "Le vrai griot doit la vérité au chef. Il doit dire au gouverneur ce que son peuple pense. C’est ce que j’essaye de faire à travers ma musique."
"Mangercratie", l’album de la consécration
Considéré officiellement comme son premier opus, "Mangercratie", sorti en 1996, fait très vite le succès du chanteur. Cet album, et plus précisément son single éponyme, dénonce la corruption politique et réclame davantage de nourriture et de soins pour le peuple.
Le chanteur se fait le porte-parole de ce qu’on appelle les "bramagos", les gosses des ghettos d’Abidjan. "Avec ‘Mangercratie’, je me suis directement adressé aux hommes politiques. Avant ce titre, certains reggaemen utilisaient des paraboles ou des proverbes pour leur parler, moi je suis arrivé en chantant les choses simplement", explique-t-il avant d’ajouter : "Ce titre a été très important dans ma carrière et pour beaucoup d’Africains de l’Ouest."
Alternant le malinké, le français et l’anglais, le chanteur modernise le reggae en y apportant des basses lourdes et des cuivres. Malgré les réticences, voire la censure, de certains médias, Tiken Jah Fakoly remplit les salles et se produit dans tous les festivals d’Afrique de l’Ouest. "Mangercratie" dont il est l’auteur-compositeur-interprète, s’est vendu à plus de 500 000 exemplaires et interpelle les professionnels de l’industrie du disque français. Très vite, il fait en France quelques premières parties comme celle du groupe Sinsemilia. Parallèlement, il continue sa tournée en Afrique où sa voix, celle du peuple, trouve de plus en plus d’écho.
En 20 ans et quelque 7 albums Tiken Jah Fakoly est devenu le véritable porte-parole de la jeunesse ivoirienne. Après avoir connu l’exil et la censure, l’artiste reste engagé. A l’approche de la présidentielle ivoirienne, il n’hésite pas à appeler ses concitoyens au vote : "Il faut que l’on se mette ensemble pour défendre l’intérêt général. Il faut que l’on choisisse quelqu’un qui permette l’éducation à tous, qui nous permette de vivre convenablement."