
Bien décidé à conserver son poste, le Premier ministre britannique doit affronter la grogne des parlementaires du Labour, qui lui font endosser la responsabilité du revers historique enregistré par le parti aux élections européennes.
Reuters - La position du Premier ministre britannique, Gordon Brown, est plus fragile que jamais après des élections européennes qui ont fait chuter le Parti travailliste au pouvoir à son niveau le plus bas depuis un siècle.
Pour aggraver encore l'infortune du Labour, l'extrême droite incarnée par le Parti national britannique (BNP) va pour la première fois entrer au Parlement européen en y occupant deux sièges arrachés au parti de Brown dans le nord de l'Angleterre.
Le Premier ministre, qui a remanié son gouvernement après une rude semaine marquée par le départ de six ministres, a été acclamé par les élus à son arrivée, dans la soirée, à une réunion à huis clos du groupe parlementaire travailliste à Westminster, affirment des témoins. Un petit groupe de "rebelles" fait campagne, dit-on, pour réunir suffisamment de voix l'élus et demander au Premier ministre de démissionner.
Jane Kennedy, secrétaire d'Etat à l'Environnement, est devenue lundi le septième membre du gouvernement à quitter son poste, rapporte Sky News. Avant ses déroutes aux élections locales et européennes, le Labour a été frappé de plein fouet
par le scandale des notes de frais des parlementaires du pays.
Selon des résultats quasi complets, le Parti travailliste réalise un score de 15,3% aux européennes, résultat sans précédent depuis 1910. Le Labour se retrouve devancé par le Parti de l'indépendance (UKip, anti-UE), qui obtient 17,4%, et est à plus de 13 points derrière les conservateurs (28,6%).
"C'est une défaite très, très dure pour nous", a dit Harriet Harman, n°2 du Labour, à la BBC, tout en ajoutant que Gordon Brown avait "du ressort" et résisterait aux pressions.
Pour les commentateurs politiques, le dirigeant britannique mène un combat désespéré après le désastreux résultat européen.
Brown est "au bord du gouffre", écrit le Daily Telegraph (centre droit). Le Times le déclare "K-O".
Le Guardian, habituellement favorable aux travaillistes mais qui s'est retourné contre Brown la semaine dernière en l'incitant à démissionner, estime lundi que le chef du gouvernement s'achemine vers une épreuve de force dont l'issue déterminera son maintien à son poste ou son départ.
Les conservateurs veulent un "nettoyage"
Le dirigeant conservateur David Cameron a mis Gordon Brown au défi lundi d'organiser des élections législatives, ce qu'il n'est pas tenu de faire avant juin 2010.
"Des élections générales seraient un grand nettoyage", a dit David Cameron à la presse. "Cela offrirait au pays un ouveau
départ à un moment où nous en avons tant besoin, avec une économie en difficulté, un système politique dans le pétrin et un gouvernement d'une faiblesse tout bonnement extraordinaire."
Le désordre politique ambiant a ébranlé les marchés la semaine dernière en faisant baisser la livre sterling. Les investisseurs s'inquiètent de ce climat en période de récession profonde et alors que le déficit budgétaire atteint le montant record de 175 milliards de livres (281 milliards de dollars).
Un départ de Brown impliquerait des élections anticipées que les conservateurs devraient remporter après avoir passé douze ans dans l'opposition, bien qu'ils aient encore à mettre au point un projet de remise en ordre des finances publiques.
L'échec électoral du Labour donne en tout cas des munitions à ceux d'entre les travaillistes qui s'élèvent contre le leadership de Gordon Brown. L'un des ministres démissionnaires, James Purnell, a engagé ce dernier à démissionner dès la semaine dernière en le présentant comme un handicap électoral.
Brown a remplacé Tony Blair en 2007 au poste de Premier ministre et ne s'est pas présenté devant l'électorat depuis.
"Si les députés travaillistes et Gordon Brown ne comprennent pas le message, nous sommes fichus", a affirmé John McDonnell, figure de l'aile gauche du parti à Westminster. "Il nous faut un changement complet de direction politique."
Le dirigeant libéral démocrate Nick Clegg a déclaré que Brown et son parti avaient reçu un coup fatal aux européennes.
"On a maintenant le sentiment très net que pour le Labour, c'est fini", a-t-il dit à la télévision. "C'est la fin de leurs douze ans de domination sur la politique britannique, les gens recherchent quelque chose de différent et de neuf."
Selon la presse de lundi, Gordon Brown pourrait annoncer cette semaine, afin de contenir les critiques, un report de la privatisation des services postaux, à laquelle 140 députés se sont opposés officiellement.