
Annoncée par les médias français avant d'être démentie par Libreville, la mort du doyen des chefs d'Etat africains risque d'altérer les rapports entre Paris et le continent. Décryptage avec Antoine Glaser, spécialiste de l'Afrique centrale.
FRANCE 24 - Quelle est la situation actuelle à Libreville ?
Antoine Glaser - La situation est difficile et l’omerta sur la santé du président Omar Bongo a accentué les incertitudes. Il gérait son pays comme un chef de village. Déjà, quand il était en bonne santé et qu’il s’absentait de Libreville, la vie politique s’arrêtait. Depuis son hospitalisation à la fin mai, la classe politique retenait son souffle, le pays était bloqué. Preuve de l’inquiétude qui y règne, les supermarchés ont tous été pris d’assaut.
F24 - Que va-t-il se passer, maintenant qu'Omar Bongo Ondimba est mort ?
A. G. - Sur le plan constitutionnel, sa succession est claire. C’est la présidente du Sénat, Rose Rogombé, qui doit assurer l'intérim et organiser des élections. La situation reste toutefois complexe.
Ali Ben Bongo, le fils du président et ministre de la Défense depuis 1999, peut paraître le mieux placé pour reprendre le flambeau de son père. Il a été reçu plusieurs fois à l’Élysée - des visites qui n’ont été possibles que grâce à l’accord de son père. Il est aussi un poids lourd du Parti démocratique gabonais (PDG), ultra-majoritaire. En même temps, Omar Bongo n’a eu aucun geste particulier envers son fils avant de partir pour Barcelone et, dans le sérail, il n’y a pas de consensus autour de sa personne.
Sa sœur Pascaline, la directrice de cabinet du chef de l’État, ne semble pas le soutenir. Son mari, Paul Toungui, l'actuel ministre des Affaires étrangères, pourrait aussi vouloir reprendre le flambeau.
En dehors de la famille, y-a-t-il d'autres prétendants au pouvoir ?
A. G. - Jean Ping, président de la Commission de l'Union africaine (UA) et, accessoirement, ancien mari de Pascaline, pourrait lui-aussi vouloir se présenter, comme d’autres barons.
Il faut également noter l’émergence d’une société civile environnementaliste très active. Ses acteurs, souvent malmenés par le Palais du bord de mer, ont une position simple : ils veulent tout sauf d’une dynastie Bongo et sont soutenus par les États-Unis. Plusieurs sénateurs - républicains et démocrates, tous membres de la Commission Tom Lantos des droits de l'Homme au Congrès - très influents dans la nouvelle politique africaine de Barack Obama, ont récemment pris la défense de Marc Ona Essangui.
Ce dernier est membre de l'Initiative pour la transparence des industries extractives (EITI), qui a le soutien total de Washington, et coordonne, pour le Gabon, le réseau international Publiez ce que vous payez qui lutte contre la corruption et pour la transparence fiscale. En mars, Nancy Pelosi, la présidente de la Chambre des représentants, s'est fendue en personne d'une lettre à l'attention du président Omar Bongo Ondimba pour lui demander de laisser Marc Ona (et son épouse) se rendre à San Francisco du 15 au 25 avril afin de recevoir le prix Goldman de l'environnement attribué en 2009 pour la défense du parc d'Ivindo.
Le Franco-Gabonais Bruno Ben Moubamba, président de l’ONG Acteurs libres de la société civile gabonaise, est, quant à lui, le principal leader de la société civile à afficher des ambitions politiques.
F24 - La disparition d’Omar Bongo va-t-elle avoir des conséquences sur les relations franco-gabonaises ?
A. G. - Sans aucun doute. Et sur les relations franco-africaines aussi, parce que Omar Bongo Ondimba jouait un rôle très important sur le continent. Il arbitrait tous les dossiers sensibles et intervenait dans tous les conflits majeurs. Sa disparition va entraîner une banalisation des relations avec la France. Omar Bongo détenait la bible de la Françafrique et elle disparaîtra vraisemblablement avec lui.