En visite à Munich ce week-end, le Premier ministre a joué la carte de la fermeté en indiquant que la France ne pourra "pas accueillir plus de réfugiés" que prévu - soit 30 000 sur deux ans. Des propos qui ont suscité l'indignation des associations.
Le message est particulièrement fort. En marge de son déplacement à la conférence de Munich sur la sécurité, le week-end dernier, le Premier ministre français n’a pas mâché ses mots pour qualifier la ligne directrice de la politique migratoire qui doit être menée par Paris. "Je suis venu faire passer un message d’efficacité […] L’Europe ne peut accueillir davantage de réfugiés […] Nous ne pouvons accueillir plus de réfugiés", a insisté à plusieurs reprise manuel Valls.
Sur fond d'aggravation de la crise migratoire, cette sortie n’a pas seulement irrité la chancelière allemande, qui prône une politique d’ouverture à l’égard des migrants et goûte peu à ce "rappel à l’ordre" de Valls sur son territoire, mais elle étonne aussi les associations d’aide aux réfugiés.
"La France a un devoir d’accueil", a martelé Michel Morzière, le président de l’association "Revivre", très impliqué dans la défense des réfugiés syriens arrivant en Europe. "Fermer ses frontière ne sert à rien, il faut surtout que l’Europe s’organise, que chacun prenne sa responsabilité", a-t-il ajouté. L’association juge surtout "dérisoire" la politique de Paris, qui s’est dit prêt, en septembre dernier, à accueillir environ 30 000 réfugiés sur deux ans. "Quand on sait combien de réfugiés arrivent chaque mois en Europe, et quand on sait combien sont accueillis par les pays voisins, ce chiffre est vraiment dérisoire", se désole Michel Morzière.
"M. Hollande doit préciser sa pensée"
À France Terre d’Asile, on s’agace aussi de telles sorties "regrettables". "Nous voulons adresser un message au président de la république, nous voulons lui dire que ‘la France doit prendre sa juste place’ dans l’accueil des réfugiés", a déclaré Pierre Henry, le directeur général de l’association, en reprenant l’expression de Michel Rocard ("La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre sa part"). "Il est très important de comprendre que nous pouvons combiner sécurité et accueil des migrants. Les propos de Valls sont en contradiction avec le droit européen et international".
Et en contradiction avec les propos du chef de l’État français. Manuel Valls a en effet déclaré à Munich que Paris n’était "pas [non plus] favorable" à la mise en place d’un "dispositif européen de relocalisation" des réfugiés qui permettrait d’établir des quotas et de répartir les migrants sur le sol européen. Après l’été 2015, François Hollande s’était pourtant montré favorable à une telle mesure, à l’instar de la chancelière allemande. "Nous demandons à M. Hollande de préciser sa pensée lors du sommet de Bruxelles, le 18 février", a précisé le directeur de France Terre d'Asile.
"Seuls" 5 000 Syriens ont demandé l'asile en France 2015
Pourtant, la ligne semble déjà avoir évolué. "Je ne pense pas qu’il y ait aujourd’hui de majorité en Europe pour imposer un [tel] dispositif", a déclaré Valls qui a indiqué que la France tiendrait sa promesse de 30 000 accueils "mais pas plus". Un chiffre qui contraste avec le million de migrants arrivés en Allemagne. Au total, l'Europe s'était engagée à héberger 160 000 réfugiés. "Sans doute les attentats de novembre et la banalisation de la crise migratoire ont contribué à durcir la ligne", explique Michel Morzière.
Selon les chiffres de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), 79 000 demandes d’asile ont été enregistrées en France en 2015, soit 20 % de plus que l’année précédente. Dans ce chiffre, il est important de rappeler que le raz de marée tant redouté venu de Syrie ne concerne pas l’Hexagone. Sur l’année écoulée, "seuls" 5 000 Syriens ont demandé et – presque tous – reçu leur droit d’asile en France. Paris est donc loin, très loin d’être "envahi" par la population syrienne fuyant la guerre.
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