La Turquie accentue sa pression sur le nord de la Syrie. Après avoir menacé d'y mener une opération terrestre, Ankara y a bombardé, lors de deux raids distincts, des positions de forces kurdes du PYD et du régime syrien, en réponse à des tirs.
La tension est à son comble dans le nord-ouest de la Syrie. La Turquie y a bombardé, samedi 13 février à proximité de sa frontière, des cibles du Parti kurde de l'union démocratique (PYD) dans la région d'Azaz, a rapporté l'agence officielle Anatolie. Selon l'agence, l'armée turque a également frappé, lors d'un deuxième raid, des positions de l'armée syrienne suite à des tirs sur un poste militaire dans la région de Hatay, dans le sud de la Turquie. Des frappes qui devraient encore davantage compliquer les efforts internationaux pour dénouer à la crise.
Le Premier ministre Ahmet Davutoglu a semblé confirmer des frappes contre le PYD, sans cependant fournir de détails. "Conformément aux règles d'engagement, nous avons répondu à des forces à Azaz et aux environs qui constituaient une menace", a-t-il déclaré, cité par l'agence Anatolie, lors d'un déplacement dans la ville d'Erzincan (Est). Faisant apparemment référence au PYD, il a qualifié ces forces de "groupe terroriste [...] une émanation du régime syrien, collaborationniste et complice des frappes russes contre des civils".
Une source au sein des YPG, bras armé du PYD, a indiqué à l'AFP que les bombardements avaient notamment visé l'aéroport militaire de Minnigh, repris le 10 février par les forces kurdes.
Situé à une dizaine de kilomètres de la frontière turque, l'aérodrome de Minnigh se trouve entre deux routes importantes qui mènent de la ville d'Alep, deuxième ville du pays, à Azaz, plus au Nord. Et le fait de le contrôler donne aux forces kurdes une base de départ pour de nouvelles offensives contre le groupe jihadiste État islamique (EI). C'est à quelques km plus au sud de cette zone que le régime syrien, fort du soutien de l'aviation russe, mène une offensive d'envergure contre les rebelles.
"Freiner l'avancée des forces kurdes"
"Selon plusieurs sources militaires citées par l'agence officielle, l'armée turque aurait répondu à des tirs d'artillerie qui auraient atterri côté turc. Conformément aux règles internationales d'engagement militaire, la Turquie se réserve le droit de riposter à des tirs en direction de son territoire. Mais on attend toujours confirmation de ces affirmations. On peut toutefois traduire [ces bombardements] comme une volonté de freiner non seulement l'avancée du régime de Damas dans le Nord, mais surtout d'arrêter l'avancée des forces kurdes, qui s'apprêtent à prendre le contrôle de la ville d'Azaz, située à cinq kilomètres de la frontière turque", explique Fatma Kizilboga, correspondante de France 24 en Turquie.
Samedi, un peu plus tôt, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu avait menacé de lancer une opération militaire contre le PYD. La Turquie considère le PYD et les YPG comme des branches du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroriste. Les autorités turques redoutent qu'un soutien étranger permette aux Kurdes syriens, qui occupent déjà une grande partie du nord de la Syrie, d'étendre encore leur influence et de contrôler ainsi la quasi-totalité de la zone frontalière avec la Turquie.
Opération commune de Riyad et Ankara au sol
Le département d'État américain a aussitôt réagi, exhortant la Turquie à "cesser ces tirs". "Nous avons pressé les Kurdes syriens et d'autres forces affiliées aux YPG de ne pas profiter de la confusion en s'emparant de nouveaux territoires. Nous avons aussi vu des informations concernant des tirs d'artillerie depuis le côté turc de la frontière et avons exhorté la Turquie à cesser ces tirs", a déclaré dans la soirée le porte-parole du département d'État, John Kirby, qui se trouvait à Munich, où un accord de cessez-le-feu a été trouvé il y a quelques jours.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a par ailleurs indiqué samedi que son pays et l'Arabie saoudite pourraient mener une opération terrestre commune contre l'EI en Syrie. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, avait annoncé cette semaine que le royaume était prêt à dépêcher des troupes au sol en Syrie dans le cadre de la coalition antijihadistes.
Ankara et Riyad estiment que le départ du président syrien Bachar al-Assad est indispensable pour une solution en Syrie, où la guerre a fait plus de 260 000 morts en près de cinq ans et jeté sur les routes plus de la moitié de la population.
Le Premier ministre russe Dmitri Medvedev a mis en garde samedi contre toute intervention au sol des pays de la coalition lors d'un discours à la conférence de Munich, au cours duquel il a affirmé que le monde était entré dans une "nouvelle guerre froide".
Les États-Unis accusent de leur côté la Russie d'avoir "exacerbé" le conflit par son appui militaire aux forces gouvernementales, notamment dans l'offensive contre les rebelles dans la région d'Alep. Lancée le 1er février, l'offensive du régime syrien a provoqué l'exode de dizaines de milliers de personnes qui restent notamment bloquées au nord d'Azaz, tout près de la frontière turque, espérant que les autorités turques les laissent entrer.
Avec AFP