
Au terme d'une campagne très axée sur la religion, Ted Cruz, a remporté lundi la première étape de la course à l'investiture républicaine, dans l'Iowa, clouant son rival Donald Trump au pilori. Portrait d'un homme qui porte sa foi en bandoulière.
Il y a quelques mois encore, il n'était qu'un candidat républicain parmi d'autres, dont on retenait surtout une ligne politique s’articulant autour de la croix, de la foi et du rejet à tous crins des grandes réformes de société. Aujourd'hui, il fait trébucher Donald Trump, l'ultra favori. Ted Cruz, jeune sénateur républicain texan, a déjoué tous les pronostics, mardi 2 février, pour s’imposer en tête des primaires républicaines, avec environ 28 % des voix dans l'Iowa, le premier État à se prononcer. "Ce soir est une victoire pour les courageux conservateurs [...]", a-t-il lancé - sans doute moins fier de son score que de sa victoire sur le milliardaire new-yorkais (24 %).
Créature du Tea Party, l'aile la plus conservatrice du Grand Old Party (GOP), Ted Cruz est donc un "vrai" conservateur, comme il aime à le rappeler, un pur et dur : contre la régularisation des sans-papiers, contre l’avortement, contre l’Obamacare, contre la "théorie" du changement climatique, pour le port d’armes, et accessoirement pour le retour de la foi à la Maison Blanche. La stratégie de Cruz dans l'Iowa était entièrement construite sur l'électorat protestant évangélique, majoritaire au sein des républicains. Avec sa foi en bandoulière, il savait que sa conviction religieuse serait son meilleur atout contre Trump.
"You're crazy"
Cruz – tout comme Trump – a également joué de la surenchère sur la ligne : "Tous contre Washington", comprendre, "tous contre les élites politiques". Il n'épargne d'ailleurs en rien Hillary Clinton, la candidate démocrate, l'accusant d'incarner "la corruption de Washington". Des positions si tranchées qu’il en est venu à exaspérer dans son propre camp : il est détesté par ses pairs au Congrès pour ses obstructions permanentes, et publiquement conspué par John McCain, l’ancien candidat républicain à la présidence qui n’hésite pas à le traiter de "dingue" ("You're crazy !"). Il faut dire que sur le plan international, Ted Cruz s'est forgé un programme qui n'est pas pour rassurer les pacifistes de tous poils. Il a juré d'en finir avec les jihadistes de l'organisation de l'État islamique (EI) grâce à un "tapis de bombes".
"Crazy" ou pas, Cruz séduit son électorat. Et en le séduisant, il fait de l'ombre à Trump qui multiplie les petites phrases assassines pour tenter de discréditer ce rival dangereux. L'homme d'affaires new-yorkais l’a par exemple accusé d'être né au Canada, il y a 45 ans, sous-entendant qu'il serait inéligible à la présidence des États-Unis. "Chaque jour, je regarde sur mon portable quelle insulte [Trump] a proférée à mon encontre", a-t-il déclaré au cours de sa campagne dans l’Iowa.
Une chance de l'emporter ?
Cruz est né à Calgary, au Canada, le 22 décembre 1970, d'une mère américaine et d'un père cubain, Rafael Cruz. Ce dernier, torturé par le régime de Batista, s'est exilé à 18 ans aux États-Unis sans un sou en poche et sans parler anglais. Ted Cruz grandit au Texas, où, lycéen, il est déjà fasciné par la Constitution. Après des études à l'université de Princeton puis à l'école de droit d'Harvard, dont il sort diplômé quatre ans après Barack Obama, il entame une brillante carrière juridique avant de revenir au Texas pour devenir l'équivalent de l'avocat d'appel de l'État (solicitor general), en 2003.
Son ascension politique est assez étonnante. Ted Cruz n'a mené qu'une seule fois campagne en son nom, en 2012 : il décroche son siège de sénateur au Texas et créé de fait la surprise. Le chrétien évangélique avait réussi ce tour de force politique grâce au soutien du Tea Party - un soutien qui surprenait déjà, à l'époque, l'establishment républicain. Reste à savoir si Ted Cruz, à nouveau lâché par la direction du Grand Old Party, pourra réiterer l'exploit dans la course à la Maison Blanche.
Avec AFP