À quelques jours de l'examen du projet de loi en Conseil des ministres, plusieurs dizaines de manifestations ont eu lieu, samedi, à Paris et en province pour dénoncer le projet de déchéance de nationalité et l'état d'urgence.
"État d'urgence, état policier", pouvait-on entendre, samedi 30 janvier, place de la République à Paris. Des milliers de Parisiens ont bravé la pluie pour dénoncer le projet d'inscrire dans la Constitution l'extension de la déchéance de nationalité et l'état d'urgence.
Outre le défilé parisien de la place de la République au Palais-Royal, des manifestations étaient prévues dans les principales villes de France, à l'appel des collectifs "Nous ne céderons pas" et "Stop état d'urgence", qui regroupent notamment des syndicats (CGT, FSU, Syndicat de la magistrature), des associations (Attac, Droit au logement, Droits devant, MRAP) et des organisations de défense des droits de l'Homme (FIDH).
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Ces organisations demandent la levée immédiate de l'état d'urgence, instauré après les attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis, et l'abandon du projet de déchéance de nationalité pour les personnes condamnées pour des activités terroristes, "des mesures qui heurtent et mettent à mal nos libertés au nom d'une hypothétique sécurité", selon un communiqué des collectifs. C'est sur ce "désaccord politique majeur" que la garde des Sceaux Christiane Taubira a démissionné.
À Toulouse, entre 400 personnes selon la police et 600 à 700 personnes selon les organisateurs ont défilé. Des manifestations ont eu lieu à Auch, Montauban, Pau, Bayonne.
"Le temps est pourri, le gouvernement aussi"
Sous la pluie, les manifestants ont scandé "état d'urgence, état policier" ou, de circonstance : "Le temps est pourri, le gouvernement aussi". Dans le cortège, une femme qui se fait appeler Chris s'est demandé : "L'état d'urgence, jusqu'à quand ? La fin de Daech ? Dans dix ans ? Jamais ? Il faut y mettre un terme, surtout que notre arsenal législatif est déjà largement suffisant".
Pour une autre manifestante, interrogée par l'envoyé spécial de France 24 Julien Muntzer, "cet état d'urgence est une hérésie. On n'a pas besoin d'un état d'urgence, il y a des lois, un arsenal juridique qui est suffisant aujourd'hui pour lutter contre le terrorisme", fulmine-t-elle.
Le gouvernement veut prolonger de trois mois supplémentaires l'état d'urgence, qui devait prendre fin le 26 février. Le projet doit être présenté mercredi 3 février en Conseil des ministres.
Annoncé dès le soir des attentats du 13 novembre qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés, cette mesure d'exception avait été prolongée à une écrasante majorité pour trois mois le 26 novembre par le Parlement.
Ne pas stigmatiser les "binationaux"
Sa nouvelle prolongation, jusqu'à fin mai, qui sera débattue et votée le 9 février au Sénat, puis le 16 février à l'Assemblée nationale, est plus controversée : des partis de gauche et des associations de défense des droits de l'Homme et des libertés publiques s'inquiètent d'un risque de pérennisation de ce régime d'exception. Jusqu'ici, une majorité de Français est favorable à sa prolongation.
Par ailleurs, le gouvernement prépare un projet de révision constitutionnelle, examiné en séance à partir du 5 février au Palais Bourbon. Il prévoit d'inscrire dans la Constitution l'état d'urgence, pour le sécuriser sur le plan juridique et l'encadrer, selon l'exécutif, ainsi que l'extension de la déchéance de nationalité pour les personnes "condamnées" pour un crime ou un délit constituant une atteinte grave à la vie de la nation", autre mesure vivement contestée.
L'extension de la déchéance de nationalité ne comprendra finalement "aucune référence" aux binationaux pour ne pas les "stigmatiser", a annoncé le Premier ministre Manuel Valls, même si, en pratique, ils pourraient rester seuls exposés à cette mesure qui fracture la gauche.
Avec AFP