logo

Réunie à Riyad depuis mardi, l'opposition syrienne a de nouveau reporté à vendredi sa réponse quant à sa participation aux négociations de paix pour la Syrie. Initialement prévues le 25 janvier, elles doivent commencer à Genève vendredi.

Viendra, viendra pas ? L’opposition syrienne n’a toujours pas pris de décision quant à sa participation aux pourparlers de paix qui doivent avoir lieu vendredi 29 janvier à Genève. Réuni depuis mardi à Riyad, en Arabie saoudite, le Haut comité des négociations (HCN), instance qui représente les principaux groupes politiques et armés de l'opposition syrienne, a une nouvelle fois reporté sa décision, attendue vendredi.

Le coordinateur du comité, Riad Hijab, a estimé dans un communiqué que la communauté internationale devrait faire pression pour la levée des sièges des villes en Syrie, l'arrêt des bombardements et l'acheminement de l'aide aux nécessiteux. "Il n'est pas possible de tenir des négociations sérieuses alors que des crimes contre l'Humanité sont commis contre les Syriens par des parties étrangères", a-t-il ajouté, faisant référence aux frappes russes en Syrie. Mais Washington a ensuite exhorté l'opposition syrienne à participer "sans conditions préalables" aux pourparlers.

La composition de la délégation d’opposition fait toujours débat

Mais la principale cause de ces tergiversations semble être la composition de la délégation de l’opposition, qui fait débat depuis plusieurs semaines. Selon le porte-parole du HCN, l'instance attendait de recevoir, peut-être dans la nuit de mercredi à jeudi, les réponses de l'émissaire spécial de l'ONU Staffan de Mistura, qui a lancé mardi les invitations aux participants syriens, sans les rendre publiques. Alors qu'il insiste pour être le seul représentant de l'opposition aux négociations, le HCN réclame en effet des "précisions" sur "la nature des invitations" adressées aux autres opposants.

Parmi les personnalités non membres du HCN invitées à Genève figurent Qadri Jamil, ex-vice-Premier ministre qui entretient de bonnes relations avec la Russie, ainsi que Haytham Manna, co-président du Conseil démocratique syrien (CDS, une alliance d'opposants kurdes et arabes). Or la participation des Kurdes, en pointe dans la lutte contre le groupe jihadiste État islamique (EI), qui occupe de vastes régions en Syrie, est un point de discorde, la Turquie y étant hostile, la Russie la jugeant indispensable.

Autre sujet de désaccord : le HCN a désigné comme négociateur en chef Mohamed Allouche, leader du puissant groupe rebelle Jaïch al-Islam, que Moscou et Damas qualifient de "terroriste". Soutenu par l'Arabie saoudite, le mouvement armé d'inspiration salafiste contrôle la plus grande partie de la banlieue est de Damas et envoie quotidiennement des roquettes sur la capitale syrienne, ce à quoi le régime réplique avec force bombardements et siège des localités rebelles.

Sa présence à la tête de la délégation n’a pas manqué de provoquer l’ire du régime syrien et des autorités russes, mais également de certains membres de l'opposition dite "tolérée" par le régime. Haytham Manna a ainsi dénoncé la présence de "criminels de guerre" dans la délégation. Selon Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie et enseignant à l’université d’Edimbourg, "il est indéniable que Mohamed Allouche n’est pas la personne la plus consensuelle". Mais selon le chercheur, "il est fondamental qu’un tel groupe, acteur majeur dans le conflit soit représenté, car il est représentatif de la rébellion armée". Thomas Pierret souligne ainsi que ce choix, qui peut être perçu comme une provocation de la part des opposants, montre une volonté de lier opposition politique et armée, principal point faible de l’opposition syrienne jusque-là.

Opposition et régime veulent-ils réellement négocier ?

Finalement, les positions des uns et des autres sont si éloignées que l’on peut s'interroger sur l'intérêt pour eux de participer à ces négociations, voulues et organisées par la communauté internationale. Prévues par la résolution adoptée par l’ONU le 18 décembre dernier, elles sont supposées ouvrir la voie à un cessez-le-feu et à la formation d'un gouvernement d'union nationale dans les six mois.

Selon Thomas Pierret, "le régime n’a pas vraiment besoin de négocier, car il est en position de force depuis l’intervention russe en Syrie et n’a donc rien à perdre. Il ne fera aucune concession", explique-t-il. "Quant à l’opposition, c’est l’inverse, elle n’a aucun intérêt à négocier. Comme elle est en position de faiblesse, elle risque d’être amenée, à force de pressions, à faire des compromis ".

Les précédentes négociations (janvier-février 2014) s'étaient achevées sans résultat concret et, depuis, le conflit s'est enlisé, avec la multiplication des acteurs, notamment des grandes puissances, et l'expansion de l'EI sur un territoire de plus en plus morcelé. Il est possible que cette nouvelle conférence de Genève n’aboutisse au pire sur rien, au mieux sur un accord peu pérenne.

Pourtant un règlement du conflit devient très pressant au vu de la situation humanitaire catastrophique dans le pays, où plus de 260 000 personnes ont péri et des millions ont dû fuir leur foyer, alors que les combats font rage sur les nombreux fronts