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Réforme constitutionnelle : Manuel Valls gomme la "référence à la binationalité"

Manuel Valls a soumis mercredi aux députés une version remaniée du projet de révision constitutionnelle qui ne comporte plus de référence aux binationaux dans l'article controversé consacré à la déchéance de nationalité.

Manuel Valls a finalement opté pour une formule plus consensuelle. Mercredi 27 janvier, le premier ministre a présenté une nouvelle version de l’article 2 du projet de loi constitutionnelle qui ne comporte plus de référence aux binationaux dans l'article consacré à la déchéance de nationalité.

"Aucune référence à la binationalité ne figurera dans le texte constitutionnel, ni a priori dans la loi ordinaire" a déclaré le chef du gouvernement, soucieux de ne pas "stigmatiser les binationaux".

Il a ajouté qu’il n’était pas question de créer des apatrides. "Seuls les principes prévus par la convention internationale de 1954 et la loi du 16 mars 1998 [...] qui proscrivent la création de nouveaux apatrides devront continuer à figurer dans notre droit positif", a-t-il précisé.

Pas "d’enfumage" mais le "souci du rassemblement"

Initialement, le texte du gouvernement prévoyait que "la loi fixe les règles concernant la nationalité, y compris les conditions dans lesquelles une personne née française qui détient une autre nationalité peut être déchue de la nationalité française lorsqu’elle est condamnée pour un crime constituant une atteinte grave à la vie de la nation".

Mais face au scepticisme de la gauche, le premier ministre a proposé cette nouvelle formule devant la commission des lois de l’Assemblée : "La loi fixe les conditions dans lesquelles une personne peut être déchue de la nationalité française ou des droits attachés à celle-ci lorsqu’elle est condamnée pour un crime ou un délit qui constitue une atteinte grave à la vie de la nation."

En clair, tous les Français condamnés pour terrorisme, y compris ceux ne possédant que la nationalité française, pourront être déchus de certains de leurs droits civiques (droit de vote, éligibilité, emploi dans la fonction publique...). Dans le droit français, l'auteur d'un crime ou d'un délit peut déjà être déchu de ces droits (en raison de ce qui est appelé "l'indignité civique"). Avant 1994 et l'entrée en vigueur du nouveau code pénal, cette déchéance était même systématique à toute condamnation en pénal, elle est maintenant une peine complémentaire prononcée par le juge. Mais ce principe n'était jusqu'à présent pas gravé dans le marbre de la Constitution.

Le Premier ministre se défend pourtant de tout "enfumage". Il a justifié cette nouvelle formulation par le "souci d'avancer et [...] d'aboutir à un rassemblement le plus large possible ou d'éventuellement lever des ambiguïtés."

Une mesure étendue aux "délits les plus graves"

Le Premier ministre a en outre annoncé que la déchéance de nationalité pourrait concerner les crimes, mais "sans doute aussi les délits les plus graves" (association de malfaiteurs à caractère terroriste, financement direct du terrorisme ou entreprise terroriste individuelle, par exemple). Le champ sera "strictement limité au terrorisme et aux formes graves d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation", a-t-il précisé.

Selon le député Pouria Amirshahi, l'un des "frondeurs" les plus virulents au sein du PS, le gouvernement signe là un "compromis avec la droite la plus dure" dans la mesure où la déchéance, élargie aux délits, ne concerne plus les seuls crimes. L'opposition, dont le soutien est nécessaire pour faire adopter la révision constitutionnelle à la majorité des trois cinquièmes requise au Congrès, s'est montrée prudente. "Ça ne concernera finalement que les binationaux", a jugé le député le député Les Républicains (LR) Philippe Houillon lors du débat qui a suivi.

Reste un point à trancher, celui de savoir si la déchéance sera une "décision administrative" ou une "peine complémentaire prononcée par le juge pénal", a souligné Manuel Valls. Le projet de réforme constitutionnelle, qui prévoit aussi d'inscrire l'état d'urgence dans la loi fondamentale, sera débattu dans l'hémicycle à partir du 5 février, avant un vote solennel le 10 février.

Avec AFP et Reuters