Le projet de loi censé prolonger l'état d'urgence, instauré après le 13-Novembre en France, sera voté le 9 février au Sénat et le 16 février à l'Assemblée nationale. Les défenseurs des droits de l'Homme s’inquiètent d'un risque de pérennisation.
Faut-il suspendre tout ou partie de l'état d'urgence, ce régime spécial qui renforce le pouvoir de la police ? Le projet de loi qui doit prolonger de trois mois l'état d'urgence en France, décrété après les attentats du 13 novembre et censé arriver à échéance le 26 février, sera d'abord débattu et voté le mardi 9 février au Sénat, puis le 16 février à l'Assemblée nationale.
Le président du Sénat, Gérard Larcher, a convoqué la Conférence des présidents du Sénat, qui réunit les présidents de groupes politiques et de commission de la Haute Assemblée, mardi 26 janvier, pour déterminer les modalités d'organisation de la discussion. De son côté, le secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, a annoncé la date du débat au Palais Bourbon lors de la conférence des présidents de l'Assemblée.
François Hollande a indiqué, la semaine dernière, qu'il souhaitait prolonger l'état d'urgence. Annoncé dès le soir des attentats à Paris et à Saint-Denis qui ont fait 130 morts et plusieurs centaines de blessés, la mesure d'exception avait déjà été prolongée à une écrasante majorité pour trois mois le 26 novembre par le Parlement.
La LDH dénonce un "piège politique"
Sa nouvelle prolongation jusqu'à fin mai est plus controversée. Des partis de gauche et des associations de défense des droits de l'Homme et des libertés publiques s'inquiétent d'un risque de pérennisation de ce régime d'exception. Le Conseil de l'Europe s'est lui aussi montré préoccupé des "risques" de dérives.
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La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a même déposé une requête auprès du Conseil d’État pour demander de "suspendre tout ou partie de ce régime" et à défaut "d'enjoindre le président de la République de procéder à un réexamen des circonstances de fait et de droit" qui ont conduit à sa mise en œuvre. Le juge des référés, Bernard Stirn, qui présidait mardi un débat serré sur la question dans la grande chambre du Conseil d’Etat, rendra sa décision mercredi.
La LDH était soutenue dans sa démarche par la CGT police, le Syndicat de la magistrature et 450 universitaires, dont de nombreux professeurs de droit. Pour l'avocat de l’association, Me Patrice Spinosi, le maintien de l'état d'urgence ne se justifie plus aujourd'hui. C'est "un piège politique" dans lequel s'est enfermé le gouvernement de peur d'être accusé de laxisme en cas de nouvel attentat, a-t-il assuré.
Débat "pertinent" pour Taubira
L'état d'urgence renforce les pouvoirs de la police en permettant notamment les assignations à résidence, les perquisitions administratives de jour comme de nuit ou l'interdiction de rassemblement, le tout sans le contrôle d'un juge judiciaire. Au 12 janvier, 3 021 perquisitions administratives et 381 assignations à résidence avaient été dénombrées dans ce cadre par les autorités.
Le Conseil d'État a déjà signalé sa vigilance. La plus haute juridiction administrative a récemment suspendu pour la première fois une assignation à résidence, dans des termes sévères pour le ministère de l'Intérieur. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, a, de son côté, estimé qu'il y "avait lieu de s'interroger" sur la place du juge judiciaire dans le contrôle des mesures prises en riposte aux attentats et a qualifié de "pertinent" ce débat.
Cela n'empêche pas l'exécutif de mettre la dernière main à un arsenal de textes qui doivent au contraire installer l'état d'urgence, ou du moins certaines de ses mesures, dans la durée.Dès mercredi, Manuel Valls présentera à l'Assemblée nationale les "avant-projets d'application de la révision constitutionnelle". L'exécutif veut inscrire dans la Constitution à la fois l'état d'urgence et la très controversée déchéance de nationalité.
Avec AFP