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Contestation sociale à Kasserine : "Pourquoi nos députés ne sont pas là ?"

L'exaspération sociale vire aux émeutes à Kasserine, en Tunisie. Mercredi, un policier est mort lors de heurts dans une ville voisine. Rencontre avec des manifestants qui, cinq ans après la révolution, dénoncent l’incurie du pouvoir.

Des balles en caoutchouc et du gaz lacrymogène tirés par la police, et, de l’autre côté, des jeunes manifestants du quartier Hay Ezouhour qui jettent des pierres pour signifier leur mécontentement… Malgré le couvre-feu décrété la veille, la nuit du mercredi 20 au jeudi 21 janvier aura été marquée par les violences, à Kasserine, dans le centre-ouest de la Tunisie. À Fériana, une ville voisine, un policier a été tué dans des heurts.

Élément déclencheur des émeutes : la mort d’un jeune chômeur, Ridha Yahyaoui, électrocuté après être monté sur un poteau pour protester contre son retrait d'une liste d'embauches dans l’administration. Le fonctionnaire en cause a été licencié, et le gouvernement a promis de recruter à tour de bras dans l’espoir d’un retour au calme. Mais dans la région de Kasserine, historiquement marginalisée, la tension grimpe malgré tout.

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"Il y a de la corruption partout. Pour réussir à voir le gouverneur, il faut que tu connaisses untel ou untel, et en plus donner de l’argent, pour passer devant tout le monde", déplore un manifestant. Ils te disent : ‘on va te trouver une solution’, mais ça fait cinq ans que la solution ne marche pas. C’est pour quand ?"

"On n’a pas les moyens de manger et de boire"

"Personne ne travaille, de toutes ces familles, personne ne travaille. Tout le monde est chômeur : on n’a pas les moyens de manger et de boire, lance un autre protestataire. Et ceux au pouvoir, ils se battent entre eux pour le trône. Voilà, c’est ça qui se passe à Kasserine." "Pourquoi nos députés ne sont pas là ? Eux, ils connaissent nos quartiers, ils connaissent nos jeunes. Pourquoi eux ne viennent pas à la place de l’armée ?", s’interroge un autre habitant de la ville.

Première manifestation d’ampleur depuis la révolution de 2011, les contestations sociales ne se limitent pas à une seule région. Des émeutes ont éclaté dans plusieurs villes à travers le pays.

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Le président Béji Caïd Essebsi a reconnu, mercredi, que "le gouvernement actuel avait hérité d'une situation très difficile" avec "700 000 chômeurs et parmi eux 250 000 jeunes qui ont des diplômes". "Mais vous devez en convenir, ni en Tunisie, ni en Europe, ni en Amérique, on ne peut résoudre des situations comme ça par des déclarations ou par un coup de pouce. Il faut [laisser] du temps au temps", a-t-il indiqué.

Le taux de chômage en Tunisie a atteint 15,3 % de la population active à la fin 2015, contre 12 % en 2010. Les attentats islamistes qui ont frappé le pays l’an dernier ont pesé sur l’économie, en particulier sur le secteur touristique.