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Lassana Bathily devenait, il y a un an, le "héros" du magasin Hyper Cacher. Employé de l’établissement, il avait caché des otages dans une chambre froide avant de s’échapper. Il publie un livre expliquant qu’il "n'a rien fait d'héroïque".

Vendredi 9 janvier 2015, Lassana Bathily devient un héros malgré lui. Employé d’origine malienne du magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris, il est pris au piège lorsque Amedy Coulibaly se retranche dans l’établissement avec 17 otages. Le manutentionnaire, au sous-sol pendant l'attaque, cache alors des otages dans une chambre froide et parvient à s’échapper. Une fois sorti, il livre de précieuses indications à la police pour son intervention.

Lorsque le journaliste de France 24 Nicolas Germain le rencontre, presqu'un an après la terrible attaque, le jeune homme affirme d'emblée : "Je ne veux pas qu’on dise que je suis un héros". C'est en substance ce qu'il répète tout au long de son livre, publié mercredi 6 janvier 2016. Sobrement intitulé "Je ne suis pas un héros", il y raconte sa nouvelle vie.

Pas héroïque Lassana Bathily ? La qualification de héros a aussi été contredite par un autre otage de l’Hyper Cacher, Yohann Dorai, dans son propre livre "Hyper Caché, quatre heures dans la tête d’un otage". L’ancien otage écrit : "À aucun moment au sous-sol, je n'ai vu Lassana Bathily accomplir un acte héroïque […] J'ai découvert plus tard, à la télévision, le rôle de héros qu'on lui attribuait. J'en ai été plus que surpris". Yohann Dorai reconnaît cependant devoir "une fière chandelle", pour les indications que l’employé a données à la police.

Ces actes héroïques qui ont été prêtés au jeune homme, ce dont il se défend lui-même, ont eu des répercussions imprévues sur son quotidien. "J’ai eu beaucoup de mal à gérer les nombreuses sollicitations des médias, confesse-t-il au micro de France 24, c’était beaucoup trop d’un coup".

Lassana Bathily n'a jamais retravaillé pour l'Hyper Cacher. Dans son livre, il explique que le magasin "ne lui a pas proposé de promotion" et qu'il a eu d'autres opportunités professionnelles.

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Le gouvernement malien pas épargné

Le Malien de 25 ans, naturalisé français fin janvier 2015, raconte aussi qu’il s’est retrouvé le 7 mars 2015 à Bamako, le jour d’une fusillade dans le restaurant-boîte de nuit La Terrasse. "À ce moment, je me posais des questions, je me demandais si j’étais poursuivi. Je n’ai pas dormi pendant une semaine" confie-t-il. Un sentiment qui se répète le 13 novembre à Paris, alors que Lassana Bathily se trouve à quelques centaines de mètres du Bataclan. Il reste alors caché dans un café de la zone jusqu’à cinq heures du matin.

Dans son livre, Lassana Bathily ne parle pas seulement de lui : il égratigne le gouvernement malien. Lorsqu'il arrive au Mali le 29 janvier, il est accueilli en grande pompe par le président Ibrahim Boubacar Keita, qui déclare notamment "[Amedy] Coulibaly [lui aussi d’origine malienne] a jeté le drapeau malien par terre, tu l'as redressé". Mais lorsque Lassana Bathily revient pour lancer dans un projet associatif d'aide aux habitants de Samba Dramané, son village natal, les autorités maliennes font la sourde oreille, les honneurs qui lui ont été réservés lors de sa première visite laissent vite place à l'oubli.

Aujourd’hui, Lassana Bathily est parvenu à créer son association - sans l'aide des autorités maliennes - et travaille dans un stade de la banlieue parisienne. Il veut désormais laisser les événements du 9 janvier 2015 derrière lui. Son livre est une forme de point final.