En reprenant à l'organisation de l'État islamique la ville de Ramadi, l'armée irakienne a non seulement obtenu un succès important et symbolique, mais elle a aussi montré qu'elle était de nouveau opérationnelle sur le terrain.
L’armée irakienne a annoncé, lundi 28 décembre, la "libération" totale de Ramadi, à l’ouest de Bagdad. Une victoire militaire notamment qualifiée "d'étape majeure" pour le gouvernement irakien par le président français François Hollande. Après Tikrit, Baiji et Sinjar, c’est en effet une nouvelle ville qui est reprise à l’organisation de l’État islamique (EI) en 2015. Le signe, selon David Rigoulet-Roze, enseignant et chercheur rattaché à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas) et rédacteur en chef de la revue "Orients Stratégiques", interrogé par France 24, que la dynamique offensive de l’EI en Irak marque le pas, même si ce recul est encore davantage symbolique que stratégique.
France 24 : Que représentait la ville de Ramadi pour l’organisation de l’État islamique ?
David Rigoulet-Roze : Sur le plan provincial, c’est le chef-lieu de la province d’Al-Anbar et c’est aussi la troisième capitale provinciale après Raqqa et Mossoul. Sa prise par l'EI en mai 2015 avait donc d’abord une très forte valeur symbolique. Il y aurait eu entre 300 et 400 jihadistes de l’EI sur place avant l’intervention de l’armée irakienne, mais ça reste difficile à chiffrer avec certitude puisqu’une partie d’entre eux s’est volatilisée, peut-être en s’enfuyant par des tunnels.
Ce succès militaire est-il aussi décisif qu’annoncé ?
C’est quand même un succès relativement important. Pour la première fois, les Irakiens reprennent une ville au cœur du "Sunnistan", c’est donc symboliquement chargé. Mais surtout, l’armée irakienne redore son blason après son effondrement en juin 2014 dans le nord de l'Irak et sa défaite à Ramadi en juin 2015 qui avait nettement affecté le moral des troupes. Et même si elle a été aidée par l’aviation de la coalition, elle a bien remporté une victoire au sol, d’autant que les Américains avaient demandé au gouvernement de Bagdad que les milices chiites ne soient pas partie prenante de la reconquête de Ramadi, un bastion sunnite. Pour la restauration d'une forme de souveraineté irakienne, même si elle ne change pas totalement la donne, c’est une étape importante.
Cela signifie-t-il dire que l’armée irakienne est enfin en mesure de faire face à l’EI ?
Cette victoire est un premier signe qui montre que l’armée irakienne commence à tirer les bénéfices d’un encadrement et d’une réorganisation entamés par les divers alliés de la coalition occidentale, principalement américains. Des synergies opérationnelles commencent à se manifester sur le terrain entre l'armée irakienne, les forces anti-terroristes et des tribus sunnites combattant l'EI. Il y a donc clairement une amélioration des capacités de l’armée irakienne dans son ensemble. Steve Warren, le porte-parole de la coalition, a mentionné des progrès significatifs dans la prévention de la menace constituée par les kamikazes. L'armée parvient désormais à mieux identifier les véhicules piégés qui peuvent être détruits par anticipation avec notamment de nouvelles armes anti-chars fournies par les Américains, ce qui permet de limiter les pertes. Pour la suite des événements, c’est plus rassurant qu’il y a six mois.
Justement, quelle est la prochaine étape ? Les forces irakiennes peuvent-elles reprendre tous les territoires perdus en 2014 ?
Les étapes suivantes, ce serait reprendre Raqqa puis Mossoul, mais ça n’est pas encore à l’ordre du jour. Il faudra une toute autre préparation pour s’attaquer à une ville comme Mossoul, qui représente le cœur économique de l’EI et où des fortifications ont été établies. L’important pour l’instant, c’est que la dynamique offensive de l’EI en Irak est aujourd’hui manifestement cassée. Quant aux territoires toujours occupés, leur avenir dépend de nombreux facteurs, et notamment de la question du projet politique que pourra proposer le gouvernement de Bagdad aux populations sunnites qui se seront émancipées de la tutelle de l'EI.