
Madame Claude, qui s’est fait connaître en France par le biais de son réseau de prostitution de luxe, notamment dans les 60 et 70, est décédée samedi à Nice, à 92 ans. Retour sur la vie sulfureuse d'une maquerelle qui a côtoyé des hommes de pouvoir.
Célèbre entremetteuse des temps modernes, Madame Claude est décédée le week-end dernier, à l’âge de 92 ans, à Nice, a-t-on appris mardi 22 décembre. Cette dame à la voix fluette coulait ses vieux jours au calme dans le sud de la France, après une vie mouvementée faite de proxénétisme et d’ennuis judiciaires.
Madame Claude ne correspondait pas à l’image que l’on peut se faire d’une maquerelle. Loin d’un Dodo la Saumure, du nom du graveleux souteneur belge ayant été impliqué dans l’affaire du Carlton, celle qui portait au civil le patronyme de Fernande Grudet s’illustrait par une attitude distinguée. C’est ce raffinement qu’elle s’est attachée à inculquer aux "filles" qu’elle embauchait dans son réseau de prostitution de luxe dans les années 1960 et 1970. Au total, elle a fait travailler à son compte quelque 500 prostituées.
Toutes lui étaient recommandées par le bouche-à-oreille. Dans le réseau qu’elle a mis sur pied, Madame Claude, qui avait débuté sa carrière en se prostituant elle-même, s’occupait de l’éducation de ses recrues. Elle leur apprenait à s’habiller, à parler anglais, à se comporter en société, à côtoyer avec aise milliardaires, princes, ministres et ambassadeurs. "Une sorte de Pygmalion", comme elle le disait elle-même. La promesse d’une ascension sociale assortie d’une amélioration physique, à grands renforts de chirurgie esthétique. "J’avais beaucoup de nez refaits, de mentons, de dents, de poitrines", avait confié la souteneuse, à qui les filles opérées devaient rembourser les frais engagés avec leur salaire. Les "filles de Claude" étaient connues pour leur beauté remarquable, selon divers témoignages.
Le shah d’Iran et John Fitzgerald Kennedy parmi les clients
Cette école de la prostitution de standing s’était forgée une renommée internationale. Le réseau comptait parmi les adeptes des clients de haut vol, tels que le shah d'Iran, qui se faisait envoyer des filles par avion toutes les semaines, l’ancien président américain John Fitzgerald Kennedy ou l’industriel italien Giovanni Agnelli.
Madame Claude parle de son réseau de prostitution
En ce qui concerne les (apparemment nombreux) amateurs français des filles de Claude, cette femme BCBG vêtue de cachemire et de perles a toujours tenu sa langue et aucun nom n’a filtré. À peine sait-on que certaines de ses travailleuses du sexe, comme on les appellerait aujourd’hui, ont fait à l’époque de "bons mariages". Parmi les meilleurs partis figurent un marchand international d’armes, l’héritier d’une famille fortunée d’exploitants viticoles en France, deux marquis et un duc portugais, selon un article du magazine "Vanity Fair” paru en avril 1987.
Prison, fisc et beauté
Mais les affaires de Madame Claude n’ont pas toujours été florissantes. Vers 1976, elle est condamnée pour proxénétisme et à 11 millions d’euros d’amende. Elle s’enfuit alors aux États-Unis et ne remet les pieds en France que neuf ans plus tard, persuadée, à tort, de pouvoir bénéficier d’une prescription des faits. Elle est emprisonnée une première fois pendant quatre mois. À sa sortie, elle reprend son activité, est poursuivie par le fisc puis de nouveau incarcérée, à la prison de Fleury Mérogis. En 1994, elle a publié une autobiographie, dont les droits d’auteur lui ont permis de s’acquitter de ses dettes.
Jusqu’au bout, Madame Claude a défendu son activité. Elle répétait à l’envi vouloir rendre le "vice joli". "Je n’aime pas les gens laids", avait-elle affirmé, d’après des propos rapportés dans l'article de "Vanity Fair”. “Probablement parce que, lorsque j’étais jeune, je n’étais pas belle du tout. J’étais laide et j’en ai souffert [..] C’est pourquoi je me suis toujours entourée de gens beaux. Je rendais les gens beaux."
À Nice, la vieille dame vivait dans un petit appartement qu’elle louait. Brouillée avec sa fille, elle s’est éteinte loin des luxueux salons parisiens, en compagnie de "son amie, la solitude".