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COP21 : l’Arabie saoudite accusée de tenter d'affaiblir un accord ambitieux

Les négociateurs des 195 pays de la COP21 n’étaient toujours pas parvenus jeudi à conclure un accord. Et l’Arabie saoudite, deuxième producteur mondial de pétrole, a promis qu’elle n’accepterait aucun texte limitant sa croissance.

"Ils ont tout a perdre et peu de choses à gagner". Malgré l’analyse défaitiste que Harjeet Singh, militant pour le climat de l’ONG ActionAid, fait de la stratégie saoudienne, Riyad, dont 90 % des revenus publics proviennent du marché pétrolier, semble bien décidée à ne rien céder aux négociateurs de la COP21 réunis jusqu'au 11 décembre.

Deuxième producteur mondial de pétrole et premier exportateur, l’Arabie saoudite risquerait de perdre sa position hégémonique sur le marché des matières premières si, comme les scientifiques le recommandent, l’utilisation du pétrole se faisait plus rare afin de limiter les gaz à effet de serre que produit sa combustion et ainsi limiter la hausse de la température mondiale en dessous de 2°C.

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L’accord qui sera conclu lors de la conférence de Paris sur le climat prendra effet en 2020. Il impliquera une révolution globale du fonctionnement de l’industrie énergétique, notamment grâce aux énergies renouvelables dont les prix baissent constamment ainsi qu’à l’énergie nucléaire.

Le ministre saoudien du pétrole, Ali al-Naimi, a déclaré au Bourget, en début de semaine, qu’il préférerait voir la transition s’effectuer du pétrole vers le gaz naturel dont Riyad dispose également de stocks importants.

Pour Célia Gautier, de l’ONG Climate Action Network, les Saoudiens “savent que les jours du pétrole sont comptés. Eux-mêmes diversifient leur économie. Mais ils veulent ralentir le processus en empêchant l’accord de Paris de faire accélérer les choses".

Idem pour le Venezuela, dont l’économie repose pour moitié sur le pétrole, et qui partage la stratégie saoudienne. Caracas va jusqu’à refuser que le terme "décarbonisation" (supprimer les émissions de gaz carboniques produites dans l’économie mondiale) figure dans le texte de l’accord final, ajoute l’activiste.

"Cela pourrait se régler par un coup de téléphone entre Paris et Riyad"

Si les principaux points d’achoppement de l’accord reposaient encore jeudi 10 décembre sur les ambitions à long terme des pays signataires ainsi que la "différenciation", c'est-à-dire la différente part de responsabilité à attribuer aux pays riches et en développement, l’aide financière destinée aux pays du Sud reste aussi un sujet de discorde.

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"Si l’on regarde ses revenus par habitants, l’Arabie saoudite serait capable de venir en aide aux pays du Sud, mais elle refuse cette option et réclame même de bénéficier de financement et de technologies pour diversifier" son économie qui repose encore très largement sur la vente du pétrole, explique Pascal Canfin, analyste au World Resources Institute et ancien ministre français du Développement.

Aucun pays ne bénéficie du droit de veto dans ce type de conférence, Riyad ne risque donc pas d’annuler tout le processus par un simple refus mais, pour qu’il soit efficace, il faut que l’accord soit le plus large possible.

Wael Hmaidan, du Climate Action Network, considère néanmoins que l’Arabie saoudite peut entraver l’action des négociateurs en tirant vers le bas les ambitions de l’accord.

Pascal Canfin, lui, se veut rassurant et affirme qu’en cas de blocage de dernière minute de la part de l’Arabie saoudite, "cela pourrait se régler par un coup de téléphone entre Paris et Riyad".

Signe qu’une embellie est encore possible dans les négociations avec les Saoudiens : le mois dernier, Riyad a formulé la promesse d’"éviter" de produire 130 millions de tonnes de gaz à effet de serres d’ici 2030.

Avec AFP