
À quelques jours du premier tour des élections régionales, Nicolas Sarkozy, chef de file du parti LR, a rejeté toute idée de front républicain pour faire barrage au FN dans les régions où l'extrême droite pourrait l'emporter.
Le président du parti Les Républicains (LR) a clairement repoussé, mercredi 2 décembre, toute idée de front républicain contre le Front national lors des élections régionales, en affirmant sur Europe 1 qu’il maintiendrait au second tour toutes les listes en situation de se maintenir. Une stratégie bien différente de celle prônée chez les socialistes par Manuel Valls, qui affirme vouloir faire barrage au parti d'extrême droite. Explications.
• Une stratégie d’avant-premier tour
Pour Nicolas Sarkozy, il s’agit d’abord d’une posture en affichant sa volonté d'incarner le seul parti pouvant battre le PS. "Moi je suis le chef de l’opposition, a affirmé mercredi le chef de file du parti Les Républicains. En ce qui me concerne, je suis engagé avec nos candidats dans une campagne où nous expliquons aux gens que la seule alternance c'est nous. J’essaie de leur expliquer qu'il y a une alternative, qu'ils ne sont pas obligés de faire la politique du pire, que Mme Le Pen a une politique économique qui est le contraire de ce qu'il faut pour la France."
Dans cette optique, impossible pour Nicolas Sarkozy d’accepter l’idée d’un front républicain qui serait vu, avant même les résultats du premier tour, comme la reconnaissance d’une défaite de LR face au FN.
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"C’est une stratégie d’avant-premier tour, souligne ainsi le politologue Pascal Perrineau, contacté par France 24. Ce n’est pas possible de dire autre chose avant dimanche soir, chacun cherche à faire le maximum. On ne dévoile pas ses cartes pour le second tour."
• Les Républicains en position plus favorable que le PS
La question du front républicain se pose en réalité davantage au Parti socialiste qu’au parti Les Républicains. Les sondages donnent en effet LR soit en tête soit deuxième dans la plupart des régions, en concurrence directe avec le Front national. En dehors de la Normandie et de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées où, selon les sondages, la gauche est en meilleure position que LR, ce sera donc, a priori, au PS de se positionner pour le second tour là où le FN pourrait l’emporter.
Dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie, selon un sondage Ifop pour iTÉLÉ, "Paris Match" et Sud Radio publié mercredi 2 décembre, Marine Le Pen (42 %) l’emporterait ainsi en cas de triangulaire avec le candidat LR-UDI-CPNT Xavier Bertrand (28 %) et le candidat PS Pierre de Saintignon (30 %). Elle sortirait également gagnante d’un duel avec Pierre de Saintignon (52 % en sa faveur contre 48 % pour le socialiste), mais serait battue en cas de duel avec Xavier Bertrand (49,5 % pour la candidate FN et 50,5 % pour le candidat LR-UDI-CPNT).
En Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Marion Maréchal-Le Pen (39 %) arriverait elle aussi en tête au second tour, dans le cadre d’une triangulaire, devant la liste Les Républicains-UDI-Modem de Christian Estrosi (34 %) et la liste PS-PRG de Christophe Castaner (27 %), selon un sondage Ifop publié dimanche 29 novembre. En cas de retrait de ce dernier, en revanche, Marion Maréchal-Le Pen et Christian Estrosi seraient au coude à coude (50 % chacun) selon un sondage BVA pour le "Journal du Dimanche".
En Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, un sondage Elabe pour "Les Échos" et Radio Classique, publié mardi 1er décembre, donne le candidat FN Florian Philippot (35,5 %) vainqueur en cas de triangulaire face au candidat LR Philippe Richert (34,5 %) et le candidat PS Jean-Pierre Masseret (30 %). Philippe Richert est en revanche donné gagnant (56 %) en cas de duel simple face à Floran Philippot (44 %).
En Bourgogne-Franche-Comté, toujours en cas de triangulaire, un sondage BVA pour l’Union de la presse régionale, publié lundi 30 novembre, donne la candidate FN Sophie Montel et le candidat LR-UDI-Divers droite François Sauvadet à égalité (35 %) au second tour, à bonne distance du candidat PS-Divers gauche Marie-Guite Dufay (30 %).
"Attention, on aura peut-être quelques surprises au soir du premier tour, prévient toutefois Pascal Perrineau. S’il y a un choc dimanche soir, il peut y avoir des évolutions au cas par cas. Sarkozy pourrait mettre de l’eau dans son vin."
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• Mettre fin au discours sur le "système UMPS"
Nicolas Sarkozy a également justifié son choix en assurant que retirer les listes LR serait en réalité un service rendu à Marine Le Pen. "Je ne donnerai pas, je ne rendrai pas ce service, a-t-il dit. Je n’ai rien à voir avec le Front national mais je combats la politique des socialistes."
Le patron du parti Les Républicains est bien conscient que Marine Le Pen ne cesse de dénoncer un "système UMPS" dans lequel voter à gauche ou à droite reviendrait au même. Il avait déjà changé le nom de son parti, anciennement UMP, pour, entre autres, mettre fin à cette rhétorique. Il souhaite désormais convaincre ses électeurs tentés par le Front national.
"Nicolas Sarkozy veut apparaître, face au FN, comme celui qui est le plus hostile à la gauche, donc il en rajoute", note Pascal Perrineau. Ses attaques se concentrent donc essentiellement sur la politique du gouvernement. Et lorsqu’il s’en prend au parti de Marine Le Pen, ses critiques ne concernent que les questions économiques afin de ne pas s’aliéner des électeurs hésitant entre Les Républicains et le Front national. Or diaboliser le FN, c’est prendre le risque de perdre ces électeurs.
• Conserver un maillage d’élus locaux
Enfin, admettre l’idée d’un front républicain pour éviter des victoires du Front national dans plusieurs régions, c’est se priver d’élus locaux. Car si les listes de Xavier Bertrand ou Christian Estrosi fusionnent avec des listes de gauche, elles auront, mathématiquement, moins d’élus de droite au Conseil régional. Pire, un retrait pure et simple des listes Les Républicains pour faire barrage au FN en Normandie ou en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, c’est accepter de n’avoir aucun élu local dans ces régions. Un problème pour n’importe quel parti politique.
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"Les élus locaux sont essentiels dans la vie politique, affirme Pascal Perrineau. D’abord parce que les Français font plus confiance aux élus locaux qu’aux élus nationaux. Et puis parce que pour construire des victoires nationales, le réseau d’élus départementaux et régionaux, c’est la matrice de base. Il est impossible de faire une bonne campagne sans tous ces élus de terrain."
Par ailleurs, retirer une liste entière n’est pas toujours simple vis-à-vis des candidats. Car sur le terrain, alors que des mandats et des carrières politiques sont parfois en jeu, il est forcément plus difficile de prôner un barrage au FN lorsque l’on est soi-même en position éligible. En Paca, Christophe Castaner déclarait ainsi, début novembre, à propos d’un éventuel front républicain : "La question ne se pose pas."