Depuis le début de la COP21, l'Inde tient un langage qui tranche avec celui des autres nations. Elle continue à miser ouvertement sur les énergies fossiles, quitte à passer pour le mauvais élève de la COP21. À tort ?
Toute histoire a besoin d'un méchant. L'Inde semble être le candidat idéal pour ce rôle durant la COP21, tant elle incarne un paradoxe climatique. D'un côté, elle fait figure d'agent perturbateur numéro un de cette conférence. Normal : Narendra Modi s'est illustré par le passé en tenant des propos pas si éloignés des climatosceptiques. Le pays est en outre arrivé à Paris en assumant son statut de géant aux pieds de charbon. Il compte multiplier sa production de charbon par "2 ou 3 d'ici 2020", explique à France 24 Ajay Mathur, responsable du bureau d'études sur l'efficacité énergétique du gouvernement indien. Une position pas très "COP21-compatible".
"L'Inde en est au stade de la Chine il y a sept ans", souligne Sanjay Vashist, directeur de Climate action network South Asia, une ONG de lutte pour la préservation de l'environnement. Comme Pékin auparavant, New Delhi semble en effet réticent à sacrifier une once de sa croissance économique (plus importante que celle de la Chine cette année) sur l'autel de la lutte contre le réchauffement de la planète. Le pays n'a même pas indiqué, dans son document préparatoire pour la COP21, une date à laquelle il estime que ses émissions de gaz à effet de serre cesseront d'augmenter. Même la Chine a obtempéré, fixant le cap à 2030.
La pollution nécessaire au développement économique
Pour autant, l'Inde refuse de se voir réduit au rôle de mauvais élève de la conférence. "Aucun pays dans l'Histoire n'a réussi à se développer en ayant une consommation de pétrole par habitant aussi faible", rappelle Ajay Mathur. Au contraire, elle se verrait plutôt comme le chef de file des États en voie de développement qui n'ont pas de leçon à recevoir de ceux qui se sont enrichis en polluant par le passé sans se poser de questions. Cette dépendance au charbon serait, ainsi, une nécessité humaine. "Il y a près de 300 millions d'Indiens qui n'ont pas accès à l'électricité ou au chauffage, et nous devons avant tout leur fournir de l'énergie", se défend ce représentant du gouvernement indien.
Le charbon aurait été choisi par défaut. Ajay Mathur insiste : "Les États-Unis ont le gaz de schiste, la France le nucléaire, nous n'avons pas beaucoup d'autre choix que le charbon". Du moins pour l'instant.
Le futur champion du renouvelable ?
Selon lui, l'histoire d'amour entre l'Inde et le charbon ne serait qu'une passade. Car New Delhi ambitionne de devenir un champion des énergies renouvelables. C'est l'autre face de la pièce indienne. Narendra Modi est en effet venu à Paris avec un projet très concret : son alliance pour l'énergie solaire, soutenue par 120 pays, essentiellement situés autour des tropiques. Selon ses grandes lignes, l'Inde co-financera l'achat de terres, d'infrastructures et versera 30 millions de dollars aux pays membres pour initier le mouvement vers plus d'énergie solaire. Cet argent servira à mener des recherches "pour faire baisser le prix de l'énergie solaire [encore l'une des plus chères sur le marché, NDLR] et développer des technologies pour mieux stocker cette ressource en l'absence d'ensoleillement", explique Ajay Mathur. Avec cette initiative, l'Inde est ainsi le premier à être passé du stade des discours aux actes lors de cette COP21.
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Le soleil n'est qu'un aspect, certes important, du futur mix énergétique indien, qui doit comprendre à 40 % de renouvelable en 2030. "Nous misons aussi sur l'éolien et, dans une moindre mesure, sur l'hydraulique et le nucléaire", résume ce membre de la délégation indienne.
Reste à savoir à quel point l'Inde va honorer ses engagements, voire les améliorer d'ici à la fin de la COP21. Tout dépendra de la bonne volonté financière des pays dits "riches". En 2009 à Copenhague, ils s'étaient engagés à verser 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020, en faveur des nations les plus pauvres pour les aider à faire face aux conséquences du réchauffement climatique et à s’engager sur la voie d’un développement plus éco-responsable. New Delhi pourrait se montrer conciliant si ces États tiennent leurs promesses envers ce fonds "vert". À défaut, l'Inde aura probablement moins de remords à jouer le méchant de l'histoire.