Le procès d'une filière d'acheminement de jihadistes français vers la Syrie s'est ouvert mardi à Paris, en l'absence du principal prévenu, Salim Benghalem. Considéré comme le "responsable de l'accueil des Français", il est l’un des bourreaux de l’EI.
Un peu plus de deux semaines après les attentats du 13-Novembre, le procès d'une filière d'acheminement de jihadistes français en Syrie s'est ouvert, mardi 1er décembre, à Paris, en l'absence du principal prévenu, Salim Benghalem.
Inscrit sur la liste des jihadistes recherchés par les États-Unis, sous le coup d'un mandat d'arrêt international, Salim Benghalem, âgé de 35 ans, est considéré comme l'un des bourreaux de l'organisation État islamique (EI).
Six autres membres présumés de cette filière sont également jugés. Parmi eux, Abdelmalek T., franco-alégérien âgé de 26 ans, est considéré par le tribunal de Paris comme l’un des passeurs de ce réseau, a expliqué Karim Hakiki, envoyé spécial de France 24. Le juge, qui a détaillé son parcours lors de cette première journée d'audience, lui a reproché "l'association de malfaiteurs en vue d’organsier un attentat". Il aurait pris en charge les nouvelles recrues française de l'EI en Syrie..
"Je les ai aidés à traverser la frontière", a déclaré le Franco-Algérien au sujet de trois de ses co-prévenus, niant avoir pris part à des combats ou suivi un entraînement militaire rapporte Reuters.
itAbaaoud était sous ses ordres
Les avocats de la défense craignent que l'ombre de Benghalem pèse sur le procès des autres prévenus. C'est le "grand manipulateur de toutes les recrues françaises de Daech", estime Roland Jacquard, président de l'observatoire international du terrorisme. Selon lui, le Belge Abdelhamid Abaaoud, chef opérationnel présumé des attaques à Paris et Saint-Denis, tué dans un assaut des forces de l'ordre, était sous les ordres de Benghalem, à Raqqa, en Syrie. Ce dernier, également en contact avec Mehdi Nemmouche, le tireur présumé du musée juif de Bruxelles, est aussi soupçonné d'être l'un des geôliers des quatre journalistes français libérés en avril 2014 après dix mois de détention en Syrie. Selon le journal "Le Monde", il a été ciblé par un bombardement de l'armée française à Raqqa, le 8 octobre, sans que l’on sache s’il s’en est sorti.
Condamné à de nombreuses reprises par la justice française entre 2001 et 2010 dans des affaires de stupéfiants et de violences, Salim Benghalem est connu des services de renseignement, notamment pour ses liens avec certains membres d'une filière pakistano-afghane du XIXe arrondissement de Paris. C'est dans le cadre de ce réseau que Chérif Kouachi, l'un des auteurs de l'attaque contre "Charlie Hebdo" en janvier à Paris, sera condamné en mai 2008. Jusqu'à fin 2012, Benghalem fréquente la mosquée de Cachan (Val-de-Marne), son dernier lieu de domicile connu en France, avant de s'installer quelques mois en Tunisie, fin 2012, avec femme et enfants, et de rejoindre seul la Syrie début 2013.
"Il avait reçu pour mission de commettre un attentat en France contre des Américains"
Selon "Le Monde", son épouse, entendue en garde à vue en janvier 2014 après avoir passé trois mois en Syrie, affirme que son mari se radicalise à partir de 2011. En juillet de la même année, il disparaît pendant trois semaines et se rend au Yémen, où il se forme à la manipulation des armes, comme elle l'expliquera aux enquêteurs.
En Syrie, Benghalem combat et, en tant que membre de la police islamique, participe aux interrogatoires de prisonniers, assure-t-elle. Il lui dit vouloir mourir en martyr, et ne pas avoir l'intention de rentrer en France. "Si (je rentre), ce sera pour faire un attentat, un maximum de dégâts", lui aurait-il déclaré.
"Tous les prévenus ont condamné les attentats du 13-Novembre"
En l'absence de Benghalem, les autres prévenus devront répondre de leur participation, à des degrés divers, à cette filière présumée d'acheminement de combattants vers la Syrie. Cinq d'entre eux y ont séjourné entre 2013 et 2014, de quelques jours à quelques mois. Les prévenus ont adopté deux axes de défense, expliqué Karim Hakiki. Ils ont affirmé être partis au combat contre Bachar al-Assad, et tous ont condamné les récentes attaques en France.
D'après leurs avocats, le procès tombe mal. Inquiet, Xavier Nogueras, l'un des avocats de la défense a dit craindre que les événements de ces derniers jours influent sur l'audience, et troublent "la sérénité dont on a besoin pour juger ces hommes", a-t-il ajouté. L'un des prévenus, libéré récemment pour une question de procédure, a entrepris une démarche de déradicalisation et une importante "réflexion sur son parcours", selon son avocate Me Ann Kennedy.
Autre membre présumé du groupe, Younes C., est connu pour ses liens avec Mohamed Achamlane, fondateur et émir du groupuscule islamiste Forsane Alizza, dissous en mars 2012 par le gouvernement, et condamné le 10 juillet à neuf ans de prison ferme. Un troisième prévenu, Paul M., a eu "une longue conversation" en prison avec Mehdi Nemmouche le 28 juillet 2014, juste avant sa remise à la Belgique.
Le plupart des mis en cause se sont explicitement défendus de représenter un danger pour la France. Le procès se tient jusqu'au 7 décembre.
Avec Reuters et AFP