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Climat : comment réussir une COP21 ?

À la veille de l’ouverture de la très attendue COP21, la conférence mondiale sur le climat à Paris, France 24 présente les points essentiels pour évaluer son succès ou son échec.

Cap sur la COP21 ! Les chefs d’État et de gouvernement de 147 pays entament, dimanche 29 novembre à Paris, un marathon diplomatique de 12 jours pour parvenir à un accord lors de cette grande conférence mondiale sur le climat.

L’événement a été maintenu malgré les attentats du 13 novembre et le président François Hollande a depuis lors répété ce qu’il affirmait depuis des mois en tant que dirigeant du pays organisateur : cette COP21 doit être un succès. Les enjeux du réchauffement climatique et son impact humain et économique ont été maintes fois expliqués sur France 24 et ailleurs. Mais qu’en est-il des critères de succès de la conférence elle-même ?  France 24 vous propose une grille de lecture pour savoir si la COP21 sera ou non une redite de l’échec de la COP15 de Copenhague (2009).

Cap sur les 2°C. C’est devenu le chiffre symbole du réchauffement climatique. Les négociations parisiennes sont censées aboutir à un texte mettant en musique les engagements des États participants pour contribuer à éviter que la hausse des températures ne dépasse plus de 2°C d’ici à 2100.

À cet égard, la COP21 est mal partie. “Les engagements soumis en préparation de la conférence par les pays sont insuffisants pour rester en dessous de ce seuil”, souligne à France 24 Amy Dahan, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des relations entre les questions scientifiques et les négociations climatiques. Des progrès peuvent certes encore être réalisés, mais certains pays, comme les gros producteurs d’hydrocarbures (Canada, Russie ou encore Australie) se montrent très frileux.

Reste que l’objectif de 2°C est plus politique que scientifique. “C’est l’Europe qui l’a introduit en 2002 et ce seuil a pris une grande importance à partir des négociations de Copenhague [en 2009]”, rappelle Amy Dahan. Il s’agit, en fait, d’une construction conjointe entre les décideurs qui avaient besoin d’un cap à afficher en public et la communauté scientifique qui ne s’était pas fixée sur un chiffre particulier.

Ce seuil n’est pas artificiel pour autant et pour la spécialiste du CNRS, s’il n’a pas été fixé plus bas c’est essentiellement parce qu’il aurait été de toute façon impossible de rester sous une hausse de 1,5°C, par exemple. “Nous sommes déjà à une augmentation de presque 1°C par rapport à l’ère préindustrielle”, souligne-t-elle.

Conclusion. La COP21 pourra être qualifiée de succès si certains pays (notamment les exportateurs des matières fossiles) améliorent leurs engagements de réductions des émissions.

Cap sur un accord contraignant. Le secrétaire d’État américain John Kerry avait jeté un froid sur la question du réchauffement climatique en affirmant, le 12 novembre, qu’un accord à Paris ne serait de “toutes façons pas un traité contraignant”. François Hollande, rejoint par la chancelière allemande Angela Merkel, avait rapidement tenté de recadrer le chef de la diplomatie américaine en assurant que la conférence devait déboucher sur un “texte contraignant”.

Malheureusement pour les deux dirigeants européens “John Kerry ne fait qu’énoncer un état de fait”, explique Amy Dahan. Le texte qui sera adopté à l’issue de la COP21 ne sera un traité contraignant qu’après ratification par les Parlements de tous les pays. Ce serait, par exemple, “impossible aux États-Unis avec le Sénat républicain”, rappelle l’experte du CNRS.

Par ailleurs, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de droit environnemental international contraignant. En d’autres termes, les États ne risqueraient rien - sauf une mauvaise image sur la scène internationale - à s’émanciper de leurs propres engagements.

Conclusion. Il ne faut pas juger du succès de la COP21 sur les déclarations des uns et des autres concernant le caractère contraignant du texte signé.

Cap sur le fonds "vert". Les pays en développement espèrent que la COP21 sera l’occasion d’avancer sur ce dossier. Il s’agit de l’engagement pris à Copenhague en 2009 par les pays dits industrialisés de dépenser 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 en faveur des nations plus pauvres, pour les aider à faire face aux conséquences du réchauffement climatique et de s’engager sur la voie d’un développement plus éco-responsable.

Cinq ans après la conférence de Copenhague, “on est très en retard dans les négociations sur ce point”, déplore Amy Dahan. L’OCDE assure, certes, que les pays riches versent déjà 60 milliards de dollars par an et qu’il ne reste plus qu’à trouver 40 milliards de dollars. Mais ce chiffrage est discutable : “Ce n’est pas que de l’argent frais, et il s’agit en partie d’un recyclage de l’aide au développement”, résume la scientifique du CNRS.

Même en se fondant sur l’analyse de l’OCDE, le compte n’y est pas encore et, pour l’instant, aucune proposition concrète n’a été mise sur la table des négociations. Il est question d’associer le secteur privé à ce fonds pour contribuer à combler le trou de 40 milliards de dollars, mais rien ne garantit que les entreprises acceptent de jouer le jeu. Le risque est que des pays en développement de premier plan, comme l’Inde, fassent la fine bouche climatique si les pays riches ne prennent pas d’engagement financier plus ferme.

Conclusion. Un succès n’est possible que si les États dits industrialisés s’engagent à faire plus que simplement “associer le secteur privé” au fonds “vert”.

Cap sur la clause de révision. La France mise beaucoup sur ce point pour faire de la COP21 un succès. Une clause de révision ajoutée au texte final permettrait tous les trois à cinq ans d’aller vérifier dans chacun des pays signataires si les promesses n’ont pas été jetées aux oubliettes. Il serait même possible de renégocier les engagements de réductions des émissions de gaz à effet de serre pris à Paris pour amener des États à en faire plus.

Si le texte de l’accord n’en reste pas moins non-contraignant, cette clause serait une manière de faire pression sur les pays qui ne respectent pas leurs propres promesses.

La bonne nouvelle pour François Hollande sur ce point vient de Pékin. La Chine s’est, en effet, montrée ouverte au principe de cette clause… à une exception près. “Elle évoque non pas une clause de révision mais d’examen”, note Amy Dahan. Une nuance sémantique qui a son importance : il ne serait plus possible, en fonction de cette clause “d’examen”, de pousser les pays à faire davantage que ce qui a été décidé à Paris. Reste que cette prise de position chinoise en faveur de l’inclusion d’un tel réexamen à intervalle régulier est, d’après Amy Dahan, un pas important dans la bonne direction : ce n’est pas tous les jours que Pékin accepte “quelque chose qui est une violation de la souveraineté nationale”.

Conclusion. Si une clause d’examen est ajoutée au texte final, la France pourra se targuer d’avoir apporté une contribution à la lutte contre le réchauffement climatique. Si c’est une clause de révision, ce serait encore mieux.