envoyé spécial à Nîmes – La criminalité environnementale, qui fait l’objet d’une conférence à Nîmes, génère jusqu’à 213 milliards de dollars par an pour le crime organisé. Elle n’est pourtant pas une priorité de la COP21 regrette Cees Van Duijn, un responsable d'Interpol.
Les experts internationaux conviés l’ont répété encore et encore lors de la première conférence en France sur la criminalité environnementale qui se déroule à Nîmes les 9 et 10 novembre : cette activité est devenue la quatrième plus importante source de revenus pour le crime organisé après la drogue, la contrefaçon et le trafic d’êtres humains. Elle génère au minimum 70 milliards de dollars par an et selon certaines estimations ce chiffre pourrait même monter jusqu’à 213 milliards de dollars par an.
Outre son coût, la criminalité environnementale - déforestation sauvage, trafic d'énergie fossile ou encore pollution des mers par des déchets toxiques - a un impact direct sur le climat. Pourtant, elle n’apparaît qu’en pointillé à l’ordre du jour de la COP21, la conférence internationale sur le climat de Paris qui débute le 30 novembre.
Ce désintérêt relatif de la communauté internationale pour la criminalité environnementale désole Cees Van Duijn, coordinateur de la cellule de sécurité environnementale à Interpol, qui co-organise cette conférence avec le Fits (Forum international des technologies de sécurité).
France 24 : Comment expliquez vous que la criminalité environnementale ne soit pas davantage à l’ordre du jour de la COP21 ?
Cees Van Duijn : Je regrette que cette problématique soit sous-représentée à la conférence internationale sur le climat. Il nous faudrait un soutien politique plus important. Mais pour l’obtenir, ceux qui alertent sur les dangers de cette criminalité devraient être davantage invités à s'exprimer lors des grandes rencontres, on en revient au problème classique de l'œuf et de la poule.
En outre, les conséquences du trafic de drogue, par exemple, sont immédiatement visibles alors que ce n’est pas le cas avec la criminalité environnementale qui peut apparaître comme un phénomène lointain. Il y a donc aussi des questions de priorité. Pourtant, nous sommes tous des victimes de ces crimes qui affectent l’environnement, même s’ils se produisent à l’autre bout de la terre.
F24 : Est-ce une criminalité en forte progression ?
C.V.D. : C’est difficile à dire car il s'agit d'un domaine de travail encore récent ce qui ne nous permet pas d'avoir de référence pour faire des comparaisons. Mais elle gagne indubitablement du terrain.
De toute façon, cette criminalité est appelée à progresser. La plupart des ressources concernées [les forêts, les animaux sauvages ou encore le trafic de matières fossiles, NDLR] se raréfient, valent donc de plus en plus cher et représentent des opportunités à saisir pour la criminalité organisée.
F24 : Lorsque vous évoquez la criminalité organisée, est-ce qu'il s’agit d’un nouveau terrain de jeu pour les mafias ?
C.V.D. : La mafia au sens traditionnel du terme a, en effet, investi ce terrain. Elle a par exemple trempé dans des affaires de trafic de déchets en Italie. Mais on observe surtout que les groupes actifs sur le terrain de la criminalité environnementale ont une hiérarchie beaucoup moins pyramidale que la mafia. Il n’y a pas une direction unique qui donne les ordres. Ce sont des organisations beaucoup plus souples, ce qui les rend d’autant plus difficiles à cerner.
F24 : Certaines évoquent des passerelles entre la criminalité environnementale et le terrorisme, qu’en pensez-vous ?
C.V.D : Nous ne disposons à ce jour pas de preuves définitives à ce sujet. Il existe, en effet, une littérature de plus en plus abondante qui fait état de liens entre cette forme de criminalité et les filières terroristes. De notre côté, nous disposons seulement d’indications assez claires que des groupes rebelles, notamment en Afrique, s’adonnent à des crimes environnementaux comme le trafic d’ivoire ou la pêche illégale. Que le fruit de ces activités permettent de financer des mouvements terroristes est une piste que nous explorons.