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Un ex-prisonnier français de Guantanamo, Mourad Benchellali, interpellé au Canada

Un ex-détenu français de Guantanamo a été interpellé lundi à Toronto, au Canada, où il devait participer à une conférence. Ce jihadiste repenti, désormais impliqué dans la prévention antijihad, est considéré comme une menace pour le pays.

Mourad Benchellali, un ancien prisonnier français de Guantanamo de 34 ans, dont la principale activité est de faire de la prévention antijihad, a été interdit d’entrée sur le territoire canadien, lundi 2 novembre. Les services frontaliers l’ont bloqué à l’aéroport Pearson de Toronto et l’ont interpellé, affirmant que l’intéressé représentait une menace pour la sécurité nationale. L’homme originaire de Vénissieux, dans la banlieue de Lyon, devait se rendre dans la ville canadienne pour une soirée de soutien à Omar Khadr, un autre ex-détenu de Guantanamo, et faire de la prévention dans les écoles.

Citée par Radio-Canada, la réalisatrice Eileen Thalenberg, qui prépare un documentaire sur Mourad Benchellali, a réagi à ce refus d’entrée sur le territoire pour le moins étonnant, selon elle. Elle affirme avoir obtenu l'assurance de la part de la police fédérale du Canada que le Français pourrait entrer librement dans le pays. Son avocate, Me Barbara Jackman, a quant à elle dénoncé une situation inadmissible.

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Contacté par France 24, Stéphane Berthomet, représentant de l'Observatoire sur la radicalisation et l'extrémisme violent, qui devait retrouver Mourad Benchellali au cours de son séjour, indique que l’intéressé se trouverait actuellement dans le centre pénitentiaire Maplehurst, près de Toronto.

"C’est incroyable de voir jusqu’à quel point le passé de quelqu’un peut le poursuivre", déplore-t-il. "Mourad Benchellali a fait des erreurs quand il avait 19 ans, il a fait de la prison, il a payé. Il fait désormais un travail intéressant et utile pour la société. Or, au lieu de le considérer comme une chance pour la société, on le considère comme une menace."

Ce n’est pas la première fois que ce personnage controversé outre-Atlantique rencontre des difficultés pour se rendre au Canada : en juin dernier, il n’avait pas pu monter à bord d’un vol Lyon-Montréal.

Un jihadiste repenti à l'écoute des jeunes de banlieue

Les faits qui sont reprochés à ce trentenaire remontent à près de quinze ans. En 2001, à l'âge de 19 ans et sous l'influence de son frère, Mourad Benchellali quitte sa banlieue lyonnaise pour rejoindre un camp d’entraînement d'Al-Qaïda en Afghanistan. Peu après, il est capturé par l’armée américaine au Pakistan puis envoyé à Guantanamo hors de tout cadre légal. Il y croupit jusqu’en 2005. De cette expérience faite "de tortures physiques et psychologiques" comme il le décrit, il tirera un livre, "Voyage vers l'enfer".

Renvoyé en France, le jeune homme, condamné pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, est incarcéré à la prison de Fleury-Mérogis durant 18 mois. À sa sortie, il n’est plus le même. Traumatisé, Mourad Benchellali se lance à corps perdu dans deux nouveaux combats : la fermeture de Guantanamo et la prévention contre le jihad.

>> À voir : La collaboration de Mourad Benchellali avec Les Observateurs de France 24 dans l’émission "Pas2quartier"

Devenu formateur dans l'insertion, Mourad Benchellali a été plusieurs fois auditionné par la commission d'enquête du Sénat sur les réseaux jihadistes. Il participe surtout à des opérations de prévention de la radicalisation des jeunes musulmans français, au contact d’associations. Il sillonne la France à la rencontre de ceux dans lesquels il se retrouve, dans le but de partager son expérience. "On ne connaît pas vraiment l'ampleur du phénomène, mais ils sont beaucoup plus nombreux qu'à mon époque. On devait être une cinquantaine à partir. Aujourd'hui, je pense que c'est à une autre échelle", expliquait-il l’année dernière au magazine "Le Point".

En mai dernier, le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve avait annoncé que 457 Français, dont beaucoup de jeunes, étaient partis rejoindre les filières jihadistes, en Syrie et en Irak.