
Les députés européens ont voté, jeudi, un amendement demandant aux États membres "d’offrir une protection" au lanceur d’alerte américain Edward Snowden, réfugié en Russie. Mais sa situation pourrait ne pas évoluer aussi vite qu’il le souhaite.
Le Parlement européen n’a pas oublié Edward Snowden. Les eurodéputés ont adopté, jeudi 29 octobre, un amendement en soutien à l’ex-informaticien du renseignement américain, réfugié en Russie depuis 2013.
Le texte, adopté à une courte majorité (285 voix pour, 281 contre, 72 abstentions), invite les États membres de l’Union européenne à "abandonner toute poursuite" à l’égard de l’Américain à l’origine des révélations sur les pratiques du renseignement des États-Unis", et à lui "offrir une protection", en empêchant "son extradition ou sa restitution par une tierce partie". Le Parlement européen reconnaît non seulement le statut de lanceur d’alerte d'Edward Snowden mais va plus loin en le désignant "défenseur international des droits de l’Homme".
Snowden évoque un "tournant"
L’amendement avait été introduit par l’eurodéputé vert allemand Jan Philip Albrecht qui fut le premier surpris de son adoption, jeudi. Sur son compte Twitter, Edward Snowden a qualifié ce vote d’"extraordinaire" et parlé d’un "tournant". "C’est une main tendue par des amis. Une chance d’aller de l’avant", a-t-il tweeté.
Cet amendement constitue un message politique fort pour nombre de défenseurs des libertés. "C’est très symbolique mais important d’affirmer que Snowden n’est pas un criminel", assure Adrienne Charmet, porte-parole de la Quadrature du Net, qui défend les droits et libertés des citoyens sur Internet. Par son vote, jeudi, "le Parlement européen considère toute tentative de surveillance de masse comme une violation des droits de l’Homme", se félicite-t-elle.
Mais la situation du lanceur d'alerte pourrait ne pas évoluer aussi vite qu’il le souhaite. En effet, l’amendement voté jeudi n’a pas de pouvoir contraignant : les gouvernements européens ne sont pas tenus d’accorder l’asile politique à Snowden. En outre, plusieurs États européens disposent d’accords d’extradition avec les États-Unis. S’ils accueillaient Edward Snowden, ils devraient alors refuser d’honorer ces accords. S’ensuivraient des échanges diplomatiques que l’on imagine tendus et des menaces de sanctions.
Surveillance de masse et droits de l'Homme
L’administration américaine a fait savoir qu’elle n’entendait pas abandonner les poursuites contre celui qu’elle considère comme un traître. La France a d'ailleurs rejeté à deux reprises l’idée d’accueillir Snowden : en juillet 2013, lors d’une demande d’asile formelle émise par l’intéressé, et en 2014 à la suite de la pétition en ligne lancée par "L’Express", signée par 169 000 internautes.
En France, si la ministre de la Justice Christiane Taubira s’était déjà déclarée en faveur de l’accueil d’Edward Snowden, son appel est resté lettre morte. L’exécutif français a modifié la législation en vue d’éviter qu’un Snowden français ne livre sur la place publique des informations "secret défense". Signe que les pouvoirs exécutifs de l'UE ne sont pas prêts à voir leurs propres méthodes de renseignement révélées au grand jour par des lanceurs d’alerte européens.