Les circonstances de l'évasion depuis la République dominicaine de deux pilotes français, condamnés à vingt ans de détention, sont encore floues. Un nom revient souvent : celui du député FN Aymeric Chauprade, proche des deux hommes.
Trois jours après leur retour rocambolesque en France, les zones d’ombre demeurent sur l’exfiltration de Pascal Fauret et Bruno Odos, tous deux condamnés à vingt ans de détention en République dominicaine dans l’affaire "Air Cocaïne". Dans les médias, un nom ressort tout particulièrement, celui d’Aymeric Chauprade, un député européen Front national, soupçonné d’être impliqué dans cette évasion.
Sur son compte Twitter, ce politique a publié le 21 octobre dernier une photo le montrant en compagnie des deux pilotes en République dominicaine. Aymeric Chauprade a également affirmé à l’AFP avoir dîné avec eux quelques jours avant leur départ dans un hôtel de l’île : "Ils avaient retrouvé une forte combativité et j'ai compris alors qu'ils étaient déterminés à rejoindre la France pour pouvoir se défendre. Ils étaient très motivés par la perspective de partir".
"J’aurais fait la même chose"
La photo publiée par Aymeric Chauprade sur son compte Twitter
Avec nos pilotes français innocents, ce lundi à #SaintDomingue. Volonté sans faille de s'en sortir. pic.twitter.com/W48B8Qta2V
— Aymeric Chauprade (@a_chauprade) 21 Octobre 2015Contacté par France 24 mercredi 28 octobre, l’eurodéputé n’était pas joignable. Interrogé par le journal "Le Monde" la veille, sur une éventuelle aide apportée à ces deux Français, il n’avait pas voulu rentrer dans les détails : "Je me réjouis de leur libération, j’aurais fait la même chose qu’eux et je salue le courage de l’équipe qui les a exfiltrés. Je connaissais un certain nombre de détails de l’opération, mais je ne veux pas m’exprimer dessus pour n’impliquer personne".
L’un des pilotes, Pascal Fauret, a lui aussi expliqué que le responsable du FN n’avait pas eu de rôle spécial dans leur exfiltration : "Il nous a apporté son soutien à titre personnel, comme des milliers de gens, rien de plus", a-t-il déclaré mardi 27 octobre à Paris. "Il est venu nous rendre visite. C’est un homme politique, il prend souvent des photos avec les gens."
Le Huffington Post souligne toutefois qu’Aymeric Chauprade a des liens très importants avec la République dominicaine : "Il a été entre 2009 et 2012, conseiller du président de la République Leonel Fernandez". Depuis plusieurs mois, ce député, un spécialiste de géopolitique, qui s’était rapproché du FN en 2013 et qui a mené la liste du FN pour les Européennes en Île-de-France l'année suivante, a suivi l’affaire "Air Cocaïne" et a tenté de mobiliser l’opinion publique sur le sort des deux Français et sur la corruption qui touche, selon lui, ce pays.
"Pour avoir travaillé quatre ans dans ce pays, je peux témoigner du degré de corruption de la police et de l’armée, comme d’ailleurs dans tous les narco-États, et je peux vous dire qu’on ne compte plus les hauts gradés dominicains de l’armée, de la police, des douanes, qui sont tombés pour complicité avec les narcotrafiquants", avait écrit en mai 2015 sur son blog, ce responsable politique, proche de Philippe de Villiers et conseiller pendant un temps de Marine Le Pen pour les affaires internationales du FN.
Une facture pour la location d’un hélicoptère
L’hebdomadaire de droite "Valeurs actuelles" va plus loin en publiant une facture de location en République domicaine d’un hélicoptère au nom de l’eurodéputé. Selon le magazine, ce document prouve son implication pour faire sortir du pays les deux pilotes : "Ils ont été transbordés d'un bateau sur un autre pour rejoindre une île française des Antilles. L'hélicoptère aurait servi à faire diversion, d'après nos informations. Les deux pilotes ne sont pas montés à son bord. Après vérifications faites auprès de nos sources, l'hélicoptère n'a finalement pas été utilisé".
Questionné par Europe 1 sur cette location d’hélicoptère, Aymeric Chauprade a une nouvelle fois nié tout rôle dans cette exfiltration : "J’ai pris une option pour louer un hélicoptère effectivement. En République dominicaine, on utilise beaucoup d’hélicoptères, ça n’a rien d’étrange". "Valeurs actuelles" affirme toutefois que l’homme politique frontiste aurait pu utiliser son réseau pour monter l’opération : "Il est possible que le député européen proche de Marine Le Pen, qui a été enseignant à l'École de Guerre pendant 10 ans et qui est officier de réserve dans la Marine Nationale ait sollicité des 'amis' qu'il a côtoyés dans les différentes promotions qu'il a formées".
BFM TV va également dans ce sens en expliquant que les deux pilotes, tous deux anciens membres de l’aéronavale, ont été aidés par des "copains" militaires, "des marins mais aussi deux ex-agents de la DGSE". Pour appuyer ses dires, la chaîne de télévision s’est procurée un cliché qui montre les deux hommes lors de leur évasion aux côtés un d’ex-commando marine. Quant à des complicités "étatiques" évoquées par "Valeurs actuelles", la France a rejeté ces accusations. "Leur décision est un acte individuel dans lequel l'État n'est nullement impliqué", a assuré mardi le Quai d'Orsay.