La firme Lego a refusé une commande de briques passée par l’artiste chinois dissident Ai Weiwei pour la création d’une œuvre d’art, trop "politique" au goût du fabricant danois. Un parc Legoland doit prochainement ouvrir ses portes à Shangai.
Branle-bas de combat sur la Toile contre la firme Lego. Le géant danois qui fait le bonheur des enfants avec ses célèbres briques en plastique vient de se faire un ennemi de taille en la personne d’Ai Weiwei.
L’artiste-agitateur-dissident chinois a exprimé sa colère sur son compte Instagram après que la compagnie Lego lui a refusé une commande de pièces à assembler, nécessaires à la création de son prochain projet artistique.
"En tant qu'entreprise qui se consacre à fournir une expérience de jeu créative aux enfants, nous nous abstenons - au niveau mondial -, de nous impliquer ou d'avaliser l'utilisation de briques Lego dans des projets ou des actions ayant des visées politiques", écrit Roar Rude Trangbaek, un porte-parole de Lego, dans un e-mail adressé aux conservateurs du musée australien National Gallery, qui doit accueillir l'œuvre de l'artiste chinois. "Ce principe n'est pas nouveau", insiste-t-il.
Le projet nourri par Ai Weiwei, artiste peintre, sculpteur et plasticien connu pour ses critiques du gouvernement chinois et un temps emprisonné par les autorités, consiste en la création de portraits géants de dissidents politiques du monde entier à l’aide de ces petites pièces de Lego. Les créations doivent être présentées au public dans le cadre de l’exposition "Andy Warhol / Ai Weiwei" à Melbourne en décembre prochain. Une exposition similaire avait été organisée l’an dernier dans l'ancienne prison américaine d'Alcatraz.
"Un acte de censure et de discrimination"
Mais la réponse négative de Lego est venue contrarier les ambitions d’Ai Weiwei, à qui Pékin a restitué son passeport cet été après quatre ans de confiscation. L’artiste surmédiatisé a aussitôt fait part de sa mésaventure sur les réseaux sociaux, vendredi 23 octobre, via une photo de pièces de Lego disposés au fond d’une cuvette de toilettes postée sur son compte Instagram, dénonçant "un acte de censure et de discrimination".
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"En tant que société puissante, Lego est un acteur culturel et politique d’influence dans une économie globalisée aux valeurs douteuses", estime l’artiste, notamment célèbre pour ses photos de doigt d’honneur devant des monuments emblématiques à travers le monde.
Lego est aujourd'hui le troisième plus grand fabricant mondial de jouets. En février 2015, la marque a été classée "entreprise la plus puissante au monde" par le cabinet britannique Brand Finance.
Ce refus de l’entreprise danoise passe d’autant plus mal que la firme britannique Merlin Entertainments, exploitante des parcs d'attraction Legoland - qui utilisent l'univers de la marque -, a annoncé la semaine dernière un projet de construction d'un nouveau parc à Shanghai, lors de la visite du président chinois Xi Jinping au Royaume-Uni. La maison-mère de Lego, Kirkbi, possède une participation de 30 % dans Merlin, rappelle d'ailleurs Ai Weiwei. De là à penser que Lego ne voudrait pas fâcher Pékin, il n’y a qu’un pas.
.@LEGO_Group this is about 10% of our #Lego collection. We won't be buying more. @aiww you're welcome to borrow it. pic.twitter.com/6mcq8RwXu3
— Dave Hall (@skwashd) 25 Octobre 2015Prêter ses Lego à Ai Weiwei
Ce coup de gueule médiatique d’Ai Weiwei a déclenché une vague de soutien sur Internet, plusieurs personnes proposant de lui prêter leur Lego, certains indiquant même "je n’en achèterai plus".
Rattrapé par cette popularité, le dissident chinois a sauté sur l’occasion en annonçant la mise en place d’une collecte à grande échelle. "Le studio Ai Weiwei annoncera [...] des points de collecte dans différentes villes" afin de récupérer des briques, a-t-il révélé lundi 26 octobre.
Une voiture rouge au toit légèrement entrouvert, garée devant le studio pékinois de l'artiste, a été désignée "premier (point de collecte) de (briques) Lego", selon une photo postée sur son compte Instagram. "Voici les crottes de ce matin", a commenté l'artiste dans une autre photo, montrant quelques dizaines de briques qui, introduites par le toit du véhicule, ont atterri sur le siège avant.
Au-delà des collectes, l’artiste a indiqué que cette polémique lui avait donné l’envie de créer une nouvelle œuvre pour défendre la liberté d’expression et "l’art politique". Détails à venir.