!["Homeland est raciste" : des artistes piègent la production de la série américaine "Homeland est raciste" : des artistes piègent la production de la série américaine](/data/posts/2022/07/20/1658332712_Homeland-est-raciste-des-artistes-piegent-la-production-de-la-serie-americaine.jpg)
Ridiculisée et taxée de raciste. La célèbre série "Homeland" a été piégée par trois artistes qui, au lieu de reproduire dans l’épisode 2 de la saison 5 des graffitis en arabe sur les décors, ont écrit des slogans hostiles à la série.
Décidément, la célèbre série "Homeland", diffusée sur la chaîne américaine Showtime et qui collectionne les récompenses, ne parvient pas à faire l’unanimité, notamment dans le monde arabo-musulman. Dans l’épisode 2 de la saison 5, diffusée le 11 octobre, l’héroïne de la série, Carrie Mathison, l’ancienne agent de la CIA incarnée par Claire Danes, traverse un camp de réfugiés syriens à Beyrouth - il n’en existe pas dans la capitale du pays du Cèdre, mais là n’est pas la question.
"Homeland n’est pas une série"
Les téléspectateurs arabophones les plus alertes ont eu la surprise de lire sur l’un des murs du décor reconstitué à Berlin, où a eu lieu le tournage, un graffiti qui s’en prend à la série. "Al-Watan [la patrie en arabe et nom de la série dans cette langue, NDLR] ounsouri" , littéralement "Homeland est raciste".
Mais ce n’est pas tout. Les trois artistes du collectif "The Arabian Street Artists", Heba Amin, Caram Kapp et Stone, embauchés par la production pour rendre plus réel le décor, ont également tagué en arabe des messages tels que "'Homeland' est une blague et elle ne nous fait pas rire" et "'Homeland' n’est pas une série".
Ils ont revendiqué leur action sur le site officiel de l’artiste égyptienne - et membre du collectif - Heba Amin, le 14 octobre, photos à l’appui. Ils justifient leur initiative en dénonçant "Homeland" comme étant une œuvre de propagande "qui a acquis la réputation d’être la série la plus raciste de la télévision à cause sa représentation inexacte, biaisée et très partiale des Arabes, des Pakistanais, des Afghans, mais aussi pour ses déformations grossières de l’image de Beyrouth, d’Islamabad et du soi-disant monde musulman en général".
À force d’entretenir "une dichotomie entre des Américains protecteurs, photogéniques, et surtout blancs, contre la menace diabolique et rétrograde musulmane", ajoutent-ils, "Homeland" fini par avoir des relents islamophobes.
Les trois artistes disent avoir accepté de collaborer avec les producteurs de la série afin d’exprimer leur malaise. "C’était le moment de faire valoir nos arguments de manière subversive, en utilisant la série elle-même", écrivent-ils.
Quant aux producteurs, "ils ne se sont pas préoccupés de savoir ce qui était écrit sur ces murs, ont-ils indiqué. À leurs yeux, l'écriture arabe était un simple visuel supplémentaire pour compléter l'horreur-fantaisiste du Moyen-Orient et cette image déshumanisante que 'Homeland' donne de toute une région"
Des clichés sur la religion musulmane et le Moyen-Orient
Interrogée par le "Washington Post", Heba Amin a expliqué qu’il "était très important pour [eux] d’exprimer l’idée selon laquelle ce genre de stéréotypes [entretenus par la série, NDLR] est très dangereux car cela contribue à façonner la perception qu’ont les gens de cette région, une immense région, ce qui en retour, affecte la politique étrangère. C’était une façon pour nous de récupérer notre image".
Sans surprise, l’action rusée de ces artistes contre la puissante production américaine a fait le tour des réseaux sociaux qui ont salué leur audace. Piégés et ridiculisés, les producteurs de "Homeland" n’ont pas réagi pour le moment.
Left: Hamra Street Beirut Right: Hamra Street on Homeland (US TV show)pic.twitter.com/tRIQM9Gc1N
— Omar Hasan (@sandman_leb) 20 Mars 2015Ce n’est pas la première fois que sont critiqués les approximations et les clichés sur la religion musulmane et le Moyen-Orient de la série. Le programme qui se veut pourtant ultra-réaliste et spécialiste des complots terroristes et des menaces islamistes.
Ainsi, dans la saison 2, le Liban avait accusé la série de dépeindre Beyrouth comme un nid de miliciens islamistes semant la terreur dans un quartier pourtant branché de la capitale, au point que le ministère libanais du Tourisme avait menacé d'une action en justice. Une polémique qui n’aura servi à rien, puisque cette saison encore, le Liban fait une nouvelle fois les frais des amalgames des producteurs.
Le Pakistan, où se déroule la quasi-totalité de la saison 4, s’était lui aussi insurgé contre l’image d’un pays sclérosé par la violence et la corruption véhiculée par la série. "Calomnier un pays partenaire et proche allié des États-Unis fait du tort à la sécurité et au peuple américain", avait déclaré à l’époque la porte-parole de l’ambassade pakistanaise à Washington, Nadeem Hotiana, interrogée par le "New York Post". Dans une vidéo, un avocat pakistanais avait relevé les principaux ratés du programme concernant son pays.
Même la CIA, avait tancé la série à sa manière, l'accusant de présenter ses agents comme des êtres instables et très portés sur la bouteille, en retweetant un article du "New Times" intitulé "Good riddance, Carrie Mathison" [Bon débarras, Carrie Mathison], qui donnait la parole à des femmes travaillant pour l’agence de renseignement, irritées par l’image que la série donnait d'elles.