
Dans le cadre des réunions du FMI et de la Banque mondiale à Lima le week-end dernier, le secteur financier affiche de plus en plus d'implication dans la lutte contre le changement climatique. De bon augure avant la COP21.
Après le secteur public, le monde financier s’affirme à son tour comme un partenaire incontournable pour "décarboner" l'économie mondiale. "On est vraiment au bord d'un changement, d'un nouveau système économique bas carbone qui commence et on voit que le secteur privé va dans cette direction, et ils vont même plus loin que les gouvernements", a assuré à Lima le "Monsieur climat" de Ban Ki-moon, Janos Pasztor, lors des réunions du FMI et de la Banque mondiale.
Plusieurs indices témoignent de cette nouvelle tendance, révèle l'ONU dans un rapport, comme l'engagement financier des établissements bancaires internationaux, la semaine dernière, pour soutenir des investissements bas carbone. Leur contribution pour aider les pays développés à réunir les 100 milliards de dollars par an pour la conférence climat à Paris est estimée à 15 milliards de dollars chaque année. Mais la Banque mondiale a annoncé qu'elle pourrait accroître d'un tiers son financement en faveur du climat, le faisant passer ainsi à 16 milliards de dollars par an. La Banque européenne d'investissement (BEI) a, elle aussi, prévu d’augmenter son enveloppe.
"Le rôle du secteur financier est crucial, a affirmé Rachel Kyte, responsable climat de la Banque mondiale. Si les gouvernements envoient un signal clair sur la direction et la vitesse de la transition, comme de chiffrer les limitations d'émissions, le secteur financier saura qu'il peut faire des paris gagnants à long terme dans l'économie verte." Cette mutation de la finance doit toutefois se faire progressivement "pour éviter de déstabiliser les marchés", précise Mark Carney, gouverneur de la Banque d'Angleterre et président du Conseil de stabilité financière (FSB).
Approfondir le partenariat public-privé
Outre cette participation, le secteur financier - tel que Deutsche Bank ou Axa - a aussi investi dans les "obligations vertes" - titres de dette émis pour financer des projets environnementaux dans les transports, la construction et l’eau. Si ce n’était qu’un concept il y a encore six ans, leur montant s’élève cette année entre 50 et 70 milliards de dollars.
De plus en plus d’entreprises financières utilisent également en interne un prix du carbone fixe (afin de payer les dommages découlant des émissions de gaz à effet de serre). Estimées à 450 cette année, elles seraient trois fois plus nombreuses qu’en 2014. Les investisseurs sont aussi de plus en plus à avoir adopté l'empreinte carbone en s’associant à la "Portfolio Decarbonization Coalition", cette organisation qui vise à "décarboner" 100 milliards de dollars d’actifs entre septembre 2014 et novembre 2015.
Enfin, le secteur des assurances a aussi multiplié les efforts pour répondre aux impacts climatiques. En 30 ans, la proportion des pertes dues au climat est passée de 30 à 50 % dans les pays développés.
Sauf que l’ONU juge cette économie verte émergeante certes bénéfique mais pas suffisante pour limiter à deux degrés le réchauffement climatique d'ici 2100. "La collaboration du monde financier avec celle du secteur public devrait permettre d’accélérer la transition énergétique, estime Janos Pasztor. Aux politiciens de saisir l’opportunité d’approfondir ce partenariat." Une alliance qui serait indispensable, estiment les experts, pour trouver un accord global sur le climat et construire un monde bas carbone.