
Angus Deaton, lauréat du prix Nobel d’économie 2015, a consacré une grande partie de sa carrière à étudier les questions de pauvreté et de bien-être ainsi que l’impact des politiques publiques sur ces questions.
Il est le "Obi-Wan Kenobi de l’économie", pour Amitabh Chandra, professeur d’économie à Harvard. Cet hommage en forme de référence à Star Wars en dit long sur la réputation dont jouit Angus Deaton, le lauréat du prix Nobel d’économie, décerné par l’Académie royale des sciences de Suède, lundi 12 octobre.
Ce professeur de 69 ans, né à Edimbourg, enseigne à l’université américaine de Princeton depuis 1983. Il a "couvert un champ impressionnant de thématiques allant de la pauvreté à la santé, en passant par le bien-être et l’économétrie", poursuit sur Twitter, toujours aussi enthousiaste, Amitabh Chandra. Sans voir en Angus Deaton un maître Jedi du XXIe siècle, le comité du prix Nobel d’économie affirme qu’il a contribué à "transformer les champs de la microéconomie, de la macroéconomie et de l’économie du développement".
Pauvreté et répartition des richesses
Autant dire qu’aux yeux du jury suédois, il est sur tous les fronts. Mais à l’heure du débat sur les inégalités de richesse, popularisé par le livre "Le Capital au XXIe siècle" de Thomas Piketty, ce sont les travaux d’Angus Deaton sur la pauvreté qui ont particulièrement retenu l’attention. "Pour élaborer des politiques économiques qui réduisent la pauvreté, nous devons d'abord comprendre les choix individuels de consommation. Plus que quiconque, Angus Deaton a amélioré cette compréhension", a indiqué le jury dans un communiqué de presse pour justifier son choix.
Le dernier ouvrage de cet économiste, "The Great Escape : Health, Wealth, and the Origin of Inequality" (2013 "La grande évasion : santé, richesse, et origine des inégalités"), s’intéresse justement aux questions de pauvreté et de répartition des richesses. Angus Deaton y développe un message plus positif que celui de Thomas Piketty en rappelant que le nombre de pauvres a diminué dans le monde grâce à des politiques volontaristes. Mais il en profite pour tacler le lieu commun de la pensée économique libérale qui consiste à soutenir que la croissance du PIB suffit pour faire sortir les plus pauvres de leur situation. Il faut, d’après lui, une intervention de l’État pour améliorer le sort des déshérités. La croissance sert essentiellement à fournir à l’autorité publique les fonds nécessaires pour mener une action en ce sens.
75 000 dollars par an
Cet intérêt porté aux questions de pauvreté a aussi poussé Angus Deaton à suivre de près la crise actuelle des migrants. Elle "est le résultat des siècles de développement économique inégal, et la part du monde qui a été laissée en arrière veut une meilleure vie, ce qui entraîne une forte pression sur les frontières entre le monde des riches et celui des pauvres", a-t-il assuré après la remise du prix Nobel.
Il a aussi tenté d’expliquer que les très riches n’ont pas besoin d’être aussi riches pour être heureux. Angus Deaton a ainsi affirmé, dans un article paru en 2010 dans la revue "Proceedings of the National Academy of Sciences", que l’argent ne faisait le bonheur que jusqu’à 75 000 dollars par an (environ 4 900 euros par mois). Tout ce qui dépasse cette somme n’améliore pas le "bien être" ressenti par les individus.
Il juge, d’après les réponses des 450 000 Américains qui servent à l’établissement du barème du "bien-être" américain de l’institut de sondage Gallup, que 75 000 dollars par an sont nécessaires et suffisants pour profiter de sa famille, de ses loisirs et de prendre soin de sa santé en gardant l’esprit financièrement tranquille. Par ailleurs, cette conclusion l’incite à soutenir qu’il est inutile pour l’État de donner davantage à ceux qui gagnent plus de 75 000 dollars par an.