
Les Viennois étaient appelés dimanche à élire leur maire. Dans ce bastion de la gauche autrichienne, l'édile sortant Michael Häupl termine la course en tête, mais l'extrême droite réalise un score historique, qui sert les ambitions de son leader.
La "révolution d’octobre". C’était le mot d’ordre de la campagne de l’extrême droite autrichienne pour les élections régionales qui se sont tenues dimanche 11 octobre à Vienne. La révolution n’a pas eu lieu, mais le résultat de la liste du parti d’extrême droite FPÖ sonne comme un avertissement pour les partis traditionnels.
Menée par Heinz-Christian Strache, qui a pris avec brio la suite de Jörg Haider aux commandes du FPÖ, la liste d’extrême droite a recueilli 32,2 % des voix, après le dépouillement de l'ensemble des votes, derrière le maire sortant, le social-démocrate Michael Häupl, dont le parti s'est adjugé 39,5 % des suffrages, et qui devrait donc ajouter un mandat à son règne qui dure depuis 1994.
La victoire a cependant un goût amer pour les sociaux-démocrates du SPÖ, qui perdent ainsi presque cinq points par rapport à la dernière élection, en 2010. En face, le FPÖ a progressé de plus de six points. Et surtout, la formation d’extrême droite réalise un score historique : elle avait jusque là au mieux récolté 27,9 % des voix dans la capitale, en 1996.
Un bémol cependant pour les "bleus" : Heinz-Christian Strache n'a pas réussi à talonner au score le maire sortant, alors que les sondages prédisaient un écart nettement plus réduit. "Bien sûr, nous aurions espéré un coude à coude avec le SPÖ, mais nous réalisons le meilleur résultat de notre histoire, et le SPÖ, son pire", a souligné M. Strache, sur le plateau de la télévision publique ORF.
Les migrants, thème central de la campagne
Le bon résultat du FPÖ tient pour beaucoup au charisme de son chef de file, un ancien prothésiste dentaire de 46 ans, regard bleu azur et costumes bien coupés, mais aussi à la crise des migrants, qui a été le thème majeur de la campagne.
L’ambition de l’extrême droite était telle qu’elle souhaitait devenir la première force politique à Vienne. Le programme de fermeté prôné par Strache, qui estime que la guerre n’est pas une raison valable pour obtenir l’asile, a trouvé un certain écho dans le pays, où sont entrées cette année pas moins de 200 000 personnes – la plupart pour poursuivre leur route vers l’Allemagne.
>> À voir sur France 24 : À Vienne, des bénévoles tentent de réconforter les enfants réfugiés
Mais si cette thématique a marqué les débats, elle n’a pas été un facteur déterminant. "La crise des réfugiés a simplement renforcé des tendances déjà existantes", analyse le politologue Anton Pelinka, interrogé par France 24.
Tremplin vers la chancellerie
En effet, de longue date l’érosion des voix du SPÖ est en marche (depuis 2010, les sociaux-démocrates doit partager le pouvoir à la mairie avec les écologistes), et c’est le FPÖ qui a récupéré la sympathie de ceux que le chômage laisse sur le carreau. Ainsi, Vienne, aux mains de la gauche depuis 1945, voit toute une partie de son électorat populaire se tourner vers les promesses de "HC" Strache sur le pouvoir d’achat et la protection sociale. "Comme le FPÖ n’est au pouvoir dans aucun Land, il n’est pas associé à l’échec perçu de la lutte contre le chômage", explique Anton Pelinka.
Au-delà des thèmes abordés durant la campagne, Heinz-Christian Strache a réussi à mettre en sourdine la composante xénophobe de sa formation, se distanciant rapidement de tout dérapage trop droitier dans ses rangs. Et surtout, il s’est allié pour sa campagne avec la maire conservatrice du 1er arrondissement de Vienne, Ursula Stenzel. "Cela signale qu’il a plus d’alliés qu’on ne le croit", relève Anton Pelinka, "avec Mme Stenzel, il a pu toucher les électeurs de l’ÖVP [le parti conservateur]". Un atout de taille pour la suite de la carrière politique du chef de l’extrême droite autrichienne, car Strache ne s’en cache pas : sa véritable ambition n’est pas de diriger la capitale, mais de devenir chancelier. Le résultat de dimanche à Vienne constitue une bonne base pour y parvenir lors des prochaines législatives, en 2018.