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Kaspersky, le roi des antivirus se défend d'avoir des liens avec les espions du FSB

Accusé d'avoir saboté ses concurrents et de coopérer avec des espions russes, Eugène Kaspersky, patron du groupe de cybersécurité Kaspersky Lab se défend sur France 24.

Les mains vides, Eugene Kaspersky s’éloigne tout penaud du buffet de l'hôtel Méridien. Une serveuse vient de lui remonter les bretelles pour avoir tenté de chaparder une carotte avant le début des festivités.

C'est pourtant lui qui régale ce jeudi 1er octobre aux Assises de Monaco, le forum des managers européens de cybersécurité. Célèbre dans le milieu, son antivirus l’a rendu milliardaire, et l'homme de tout juste 50 ans suscite autant d’admiration que de méfiance chez ses pairs. "C'est un loup déguisé en agneau", sourit Ben Marzouk, un conseiller informatique canadien.

Les dents longues

Reuters accuse l'homme d'affaire russe d’avoir partagé de faux virus pour perturber ses concurrents qui ne feraient "que recopier les signatures découvertes par ses équipes."

D’après l’agence de presse britannique, le patron aurait ainsi encouragé ses collaborateurs à "buter jusque dans les chiottes" un de leurs rivaux, reprenant la formule de Vladimir Poutine à propos des Tchétchènes.

Kaspersky, pompier pyromane ? L'Américain Jeffrey Carr a du mal à le croire. Le PDG de Taia Global doute des motivations d'un employé cité par Reuters : "Kaspersky l'avait renvoyé. Il aurait très bien pu vouloir se venger."

De son côté Eugene Kaspersky nie tout en bloc : "C'est absurde. Je n'ai pas besoin de ça pour devancer mes concurrents !"

Un succès international

Kaspersky Lab affiche une santé insolente avec un chiffre d’affaires de 711 millions de dollars. Ils sont 460 millions de particuliers et 270  000 professionnels à l'avoir choisi, ce qui en fait l’un des antivirus les plus populaires au monde.

Son équipe de chercheurs fait régulièrement des révélations fracassantes, comme la découverte du groupe baptisé "Equation", des hackers ultra sophistiqués, actifs dans l’ombre depuis plus de vingt ans.

Lorsqu'il créé son entreprise avec sa femme en 1997, Eugene Kaspersky n'imagine pas ce succès. "En tant que jeune entreprise de cybersécurité et, qui plus est, russe, personne ne nous faisait confiance à l'étranger. Alors il nous a fallut être encore plus transparent que les autres pour prouver que n'avions pas de motivations cachées".

Liens avec le Kremlin

Mais son parcours éveille les soupçons. A 16 ans, Eugene Kaspersky suit un cursus de cryptographie dans un institut en partie financé par le KGB. Son diplôme en poche, ce surdoué devient ingénieur au ministère de la Défense.

Selon le magazine Wired, il aurait conservé des liens étroits avec les services de sécurité russes. Bloomberg l'accuse de partager des données avec le FSB (ex-KGB) et même de retrouver ses amis espions au spa, ce qui fait beaucoup rire Kaspersky.

"On ne nous a jamais demandé de partager les données de nos clients, s’exclame le patron russe. Personne ne peut nous faire subir de pressions. Notre principale richesse, ce sont nos cerveaux, et ils peuvent voyager."

Bloomberg-Reuters 1:2. We should expect a new sensationalist article from Bloomberg soon so they even the score in bad journalsm

— Eugene Kaspersky (@e_kaspersky) 29 Août 2015

Mais à Monaco, les responsables de sécurité informatique ne sont pas convaincus. Le groupe japonais Trend Micro est l’un des rares à l’admettre : "Oui, nous avons reçu des pressions. Difficile d'y échapper dans ce milieu !", reconnaît Loïc Guézo, directeur pour l'Europe du Sud du groupe.

Pirate-moi si tu peux !

À l'ère du cyber espionnage entre États, cela ne surprend pas Yves Grandmontagne, rédacteur en Chef d’ITSocial.fr  "Kaspersky a probablement des rapports particuliers avec le FSB, mais au même titre que les éditeurs américains avec la NSA ou le FBI. Les Français et les Britanniques font pareil."

En France, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) protège les systèmes informatiques du pays, mais ne peut couvrir seule les besoins du territoire. Eugene Kaspersky espère vendre ses services aux entreprises françaises.

"Vous pouvez faire confiance à Kaspersky sur votre ordinateur personnel. Maintenant, si vous êtes un industriel de pointe, ça se travaille. On va plus faire confiance à une entreprise française que l’on connaît de longue date qu'à une entreprise étrangère que l’on connaît depuis moins longtemps", raconte l'amiral Dominique Riban de l'ANSSI.

Sur le territoire physique ou cyber, lorsqu'il s'agit de protéger la France, l'ingénieur reste toujours sur ses gardes : "Une seule chose est sûre. On n’a que de faux amis et de vrais ennemis".