
La décapitation du jeune condamné à mort saoudien Ali Mohammed al-Nimr est suspendue à la décision finale du roi Salmane. Depuis sa prison, il a affirmé garder la foi et vivre avec l’espoir d’être libéré.
Condamné à mort en mai dernier pour avoir manifesté contre la monarchie saoudienne, en 2012, alors qu’il était mineur, Ali Mohammed al-Nimr risque d’être décapité "à tout moment".
Le jeune chiite, qui a été autorisé à recevoir la visite de sa famille le 25 septembre, a déclaré vouloir "juste être libéré". Il a ajouté : "J’ai la foi et je vis dans l’espoir. Si les choses changent [concernant sa condamnation, NDLR], je remercierai Dieu, et dans le cas contraire, j’aurai vécu heureux avec mon espoir".
Une décapitation suspendue à la décision du roi Salmane
Les proches d’Ali Mohammed al-Nimr s’attendaient à ce qu’il soit exécuté avant que son corps ne soit crucifié et exposé au public le 24 septembre, jour de la fête musulmane de l’Aïd el-Kébir. Mais les autorités saoudiennes semblent temporiser, le temps sans doute de laisser retomber le battage médiatique autour de cette affaire. D’autant plus que Riyad veut probablement éviter de provoquer un scandale retentissant alors qu’elle a récemment pris la tête du panel du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
Pour l’instant, le sort d'Ali Mohammed al-Nimr est suspendu à la signature de l’ordre d’exécution par le roi Salmane. La famille du jeune condamné à mort a imploré le monarque de ne pas signer le document. Toutefois, Riyad a déjà fait savoir par le passé que le royaume "jouit de l'indépendance et n'accepte aucune ingérence [dans son système judiciaire] et ses affaires internes d'une quelconque partie".
Sur Internet, la mobilisation en faveur du jeune homme, via Facebook et Twitter avec le hashtag #FreeNimr ne faiblit pas. Plusieurs pays occidentaux, dont la France, et de nombreuses organisations de défense des droits de l'Homme ont lancé ces derniers jours des appels à la clémence.
Selon Alice Gillham, responsable au sein de l’ONG britannique Reprieve, qui milite activement pour la libération d’Ali Mohammed al-Nimr, il est difficile de prévoir l'issue de cette affaire. "On ignore quel sera l’impact de la campagne de mobilisation en faveur du jeune Ali sur les autorités saoudiennes, même si, bien sûr, nous gardons espoir", confie-t-elle à France 24.
"Mépris total des critères internationaux"
Elle estime que pour sauver le jeune homme, il faut que les gouvernements proches des Saoudiens, comme la France, le Royaume-Uni et les États-Unis interviennent avec plus de vigueur. "La prise de position de la France a été la plus forte jusqu’ici, tandis que l’approche de Londres et de Washington reste très décevante", souligne-t-elle. François Hollande a appelé Riyad à renoncer à exécuter son jeune ressortissant de 21 ans, "au nom de ce principe essentiel que la peine de mort doit être abolie et que les exécutions doivent être empêchées".
Ali Mohammed al-Nimr était au lycée lorsqu'il a été arrêté en 2012, pour avoir participé à des manifestations du Printemps arabe à Qatif, dans l'est du royaume wahhabite. Ce neveu d’un haut dignitaire chiite et opposant inflexible, Nimr Baqir al-Nimr, - lui-même condamné à mort en octobre 2014 pour "désobéissance au souverain" et "port d'armes" -, est accusé par les autorités saoudiennes d'appartenir à une organisation criminelle et d'avoir attaqué la police. Ses défenseurs pensent que le sort brutal qui lui est réservé est une sorte de punition contre son oncle et son activisme.
La semaine dernière, des experts de l’ONU ont affirmé qu’Ali Mohammed al-Nimr a été torturé avant de passer aux aveux. Ils indiquent qu'il n'avait pu recourir à un avocat dans des conditions normales avant et pendant son procès. En outre, ils ont indiqué que son interjection en appel a été traitée "dans le mépris total des critères internationaux".
Selon le dernier rapport d’Amnesty International, le royaume wahhabite, qui prône une vision rigoriste de l’islam, a procédé à l’exécution "en moyenne d’une personne tous les deux jours", entre août 2014 et juin 2015.