Alors que l'empire Volkswagen est ébranlé par le scandale de la fraude aux tests anti-pollution, le constructeur allemand a subi mardi un nouveau coup dur : il est accusé au Brésil d'avoir collaboré avec la junte militaire entre 1964 et 1985.
La fraude aux tests anti-pollution avait déjà considérablement dégradé son image de marque... Les nouvelles révélations sur ses relations douteuses au Brésil risquent de ne pas arranger les affaires de Volkswagen.
Mardi 22 septembre, une plainte a été déposée contre le constructeur automobile allemand par le Forum des travailleurs pour la vérité, la justice et la réparation, l'accusant d'avoir activement collaboré avec la junte militaire au pouvoir au Brésil entre 1964 et 1985. Ce Forum des travailleurs, une commission mise en place en 2012 par la présidente Dilma Rousseff pour enquêter sur cette période sombre de l'histoire brésilienne, avance que la filiale brésilienne de Volkswagen a livré une douzaine d’anciens salariés à la police secrète qui les a ensuite torturés et détenus arbitrairement. Des dizaines d’autres employés auraient été placés sur des listes noires par les autorités après avoir été dénoncés par la direction brésilienne du constructeur allemand.
"Nous n'avons pas encore connaissance du contenu de cette plainte et ne pouvons pas encore prendre position à ce sujet", a déclaré à France 24 Manfred Grieger, responsable du département de communication historique de Volkwagen. Il précise néanmoins qu'en mai 2015, Volkswagen avait déjà pris contact avec d'anciens salariés employés par le groupe pendant la dictature militaire. Le groupe, affirme-t-il, "regrette au plus haut point que les personnes concernées aient eu à souffrir, durant la période de la dictature, des agissements de collaborateurs" de la filiale brésilienne.
Huit mois de torture
"Les documents que nous avons sont dévastateurs dans le sens où ils établissent que Volkswagen a permis l’existence d’un État policier à l’intérieur de l’entreprise et des arrestations directement aux postes de travail", a assuré Sebastiao Neto, l’un des responsables de la commission. "Ils sont venus m’arrêter sur le site et ont commencé à me torturer sur place", a raconté Lucio Bellentani, l’un des ex-salariés de l’usine de Volkswagen à côté de Sao Paulo, lors d’une conférence de presse.
Secrètement membre du parti communiste brésilien, il a été arrêté sur son lieu de travail. Lucio Bellantani est l’un des principaux témoins cité par le Forum des travailleurs. Il assure que le service privé de sécurité de Volkswagen "faisait partie intégrante du système répressif brésilien". La collaboration entre la filiale brésilienne du géant allemand et le régime lui a valu "huit mois de torture" et un an de prison, a précisé Lucio Bellantani à la radio allemande Deutschlandfunk.
La plainte s'appuie aussi sur des témoignages d’illustres personnages de la vie politique brésilienne. En 1980, par exemple, le futur président brésilien Luis Ignacio "Lula" da Silva, alors leader syndical, avertissait les salariés de l’usine que le responsable de la sécurité de Volkswagen espionnait le personnel pour le compte de la police secrète.
Du IIIe Reich à la dictature brésilienne
Torture, surveillance, collaboration... Autant de termes qui renvoient Volkswagen a son péché originel : le fait d’avoir été fondé par le régime nazi. Pour Manfred Grieger, un long travail sur la période du IIIe Reich a déjà été fait et "on continuera à faire toute la lumière sur les autres incidents passés".
Volkswagen n’est pas le seul groupe allemand suspecté d’avoir eu un comportement trouble durant la période de la dictature brésilienne. Daimler et Siemens étaient aussi présents à cette époque et sont notamment soupçonnés d’avoir financé un groupe paramilitaire qui aidait les autorités à combattre les opposants à la junte.
Reste que le Forum des travailleurs estime que Volkswagen est allé bien plus loin que les autres groupes allemands. Il espère que le tribunal condamnera le groupe allemand à verser des dommages et intérêts collectifs aux ex-salariés ou à leurs familles.