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Le pape François aux États-Unis pour une visite historique

Le pape François entame mardi une visite historique aux États-Unis. Après une rencontre avec Barack Obama, il sera le premier souverain pontife à s’exprimer devant le Congrès américain jeudi. Éclairage.

Barack et Michelle Obama se déplacent jusqu'au pied de son avion pour l'accueillir, c'est dire si l'invité est de marque. Après Cuba, le pape François entame mardi 22 septembre une visite aux États-Unis. Le choix de visiter ces deux pays au cours d'une seule et même tournée est un message en lui-même : le Saint-Père se veut incarner le trait d’union entre les deux nations, qui, après avoir longtemps entretenu des relations antagonistes, ont récemment pris le chemin de la réconciliation, notamment grâce au rôle de médiateur joué par l’Église.

Ce voyage pontifical s’annonce d’ores et déjà historique : après une entrevue avec Barack Obama à la Maison Blanche mercredi, François doit prononcer jeudi un discours devant le Congrès américain, une première pour un souverain pontife. D’autres moments forts sont au programme, comme, dans les pas de Paul VI, un discours devant l’Assemblée générale des Nations unies vendredi où le drapeau du Vatican sera hissé, et une cérémonie interreligieuse sur le site du World Trade Center contre le terrorisme et pour le respect entre religions.

Parler aux démocrates et aux républicains

C'est la première fois que Jorge Bergoglio, originaire d'Amérique du Sud, foulera la terre des États-Unis. Sans être anti-américain - à en croire la plupart des experts - le pape argentin ne mâche en revanche pas ses mots, depuis son élection en mars 2013, à l'égard du monde de la finance ou des excès du capitalisme, dont les États-Unis apparaissent les fers de lance.

Avant lui, ces deux prédécesseurs Jean-Paul II et Benoît XVI, avaient fait ce même déplacement, marquant l'histoire également. En 1979, le pape polonais était le premier souverain pontife de l'histoire à entrer à la Maison Blanche. Une date pour le moins récente, car aux États-Unis, où les catholiques représentent à peine plus de 20 % de la population, le pape n’avance pas en terrain conquis. Pendant des décennies, l’image d’un souverain pontif entrant dans la Maison Blanche restait impensable. "Longtemps a persisté une méfiance envers le Vatican, nourrie par la crainte que les catholiques puissent être inféodés au Vatican et donc moins loyaux au président américain", rappelle à France 24 Guy Baret, théologien et auteur du livre, "Le Pape François, le grand malentendu".

Barack Obama, qui a déjà rencontré le pape François à Rome et qui ne cache pas sa sympathie pour le "pape des pauvres", compte sur les convergences de vue avec ce dernier pour faire avancer deux dossiers centraux de sa fin de présidence : l'ouverture à l'égard de Cuba et la lutte contre le changement climatique.

Mais même si une majorité d’Américains considère le chef de l'Église catholique d'un bon œil – de récents sondages le créditent d’environ 70 % d’opinions favorables – il n’en reste pas moins que son radicalisme social, et surtout ses positions écologiques, suscitent l’irritation dans les rangs républicains. L'agacement gagne même les rangs d'élus catholiques qui, pourtant, ne sont pas légion. Furieux de l'engagement du pape sur le climat, qu'il a récemment exposé dans l’encyclique Laudato Si, un élu républicain catholique de l'Arizona, Paul Gosar, a ainsi annoncé qu'il boycotterait son discours historique au Congrès. "Il est ridicule de promouvoir une science douteuse comme faisant partie du dogme catholique", a-t-il lancé, déplorant que le chef suprême de son Église parle et agisse comme un "homme politique gauchiste".

Selon Guy Baret, le pape François "va devoir tenter de s’allier les deux extrémités de la chaîne politique américaine. Ce voyage sera l’occasion de rappeler ses positions, conservatrices, sur les questions éthiques et morales, telles que l’avortement, la 'défense de la vie', le mariage homosexuel qui séduiront les plus conservateurs, et d’un autre côté, l’aile gauche lui est acquise en raison de ses positions sociales et écologiques", novatrices chez un pape. Et de résumer : "Le pape François est à même de toucher tout le spectre des convictions aux États-Unis".

Les hispaniques, nouveau visage de l’Église aux États-Unis

Malgré tout, Jorge Bergoglio va devoir éviter de nombreux écueils et faire preuve d'une adresse hors pair, notamment jeudi devant le Congrès, et vendredi à la tribune des Nations unies, où il doit aborder des thèmes pour le moins sensibles. Entre autres : la protection et l'accueil des immigrés, question d’une actualité brûlante. Selon Guy Baret le "pape avait eu l’idée d’entrer aux États-Unis par la frontière avec le Mexique, protégée de barbelée, en signe de solidarité avec les migrants. Mais il en a été dissuadé par ses conseillers".

L’immigration est une question qui aura d’autant plus d’écho aux États-Unis que le pays est riche d’une multitude de communautés d’immigrés. L’une d’entre elles se distinguera particulièrement pendant la visite pontificale : les Latinos. Interrogé par France 24, Odon Vallet, historien des religions, souligne que "même si les catholiques sont minoritaires aux États-Unis, les vocations sont en hausse et l’église catholique y progresse, grâce aux Hispaniques. Et ce, contrairement aux pays d’Amérique latine où les catholiques sont en recul en raison des évangélistes". Et le pape ne manquera d'ailleurs pas de choyer cette précieuse communauté en dirigeant à ses côtés une cérémonie à Philadelphie.

Le pape s’exprimera d'ailleurs principalement en espagnol durant son voyage. Sur 18 discours ou homélies prévus, seuls quatre seront prononcés en anglais - dont celui à la Maison Blanche et devant le Congrès - les autres, dont le discours devant l'ONU, seront en espagnol.