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Les Mourabitoune, ces musulmans "gardiens" de l’esplanade des Mosquées

Depuis plusieurs jours, des affrontements opposent la police israélienne à des musulmans à Jérusalem. À l’origine de ces tensions, l’interdiction, le 8 septembre, par l’État hébreu d’un groupe de fidèles musulmans baptisé les Mourabitoune.

Leur nom revient régulièrement dans les médias israéliens, ces derniers jours. Les Mourabitoune - "sentinelles" en arabe - sont au cœur des tensions qui secouent la Vieille ville de Jérusalem depuis le 13 septembre. Connus pour camper autour de l’esplanade des Mosquées, troisième lieu saint de l’islam, les Mourabitounes (hommes) et les Mourabitat (femmes) sont en réalité bien plus que de simples fidèles. Ils montent la garde. Chaque jour, ce groupe de fervents musulmans surveillent l’arrivée des visiteurs juifs qui accèdent au site – sacré pour les deux religions. Leur peur : que les juifs s’y implantent et rasent la mosquée Al-Aqsa pour y rebâtir à la place le temple de Jérusalem, premier lieu saint du judaïsme, détruit par l’empereur romain Titus, en l’an 70.

Le 7 septembre, jugeant que leur présence était une menace pour la sécurité du pays, les autorités israéliennes ont interdit leur mouvement. Interdiction qui serait à l’origine des violents heurts opposant les forces de sécurités à des manifestants musulmans dans la Vieille ville de Jérusalem. Ce n’est pas la première fois que l’État hébreu sévit, de nombreux Mourabitoune considérés comme des fauteurs de troubles ont déjà été interdits d’accès au lieu saint, c’est en revanche la première fois, que le groupe de "sentinelles" dans son intégralité a été déclaré illégal.

"L'activité des groupes Mourabitoune et Mourabitat constitue une figure centrale dans la création de tensions et de violences sur le Mont du Temple et à Jérusalem", a déclaré Moshe Ya’alon, le ministre israélien de la Défense. "Leur but est de saper l'autorité israélienne sur le Mont du Temple. […] Leur activité met en danger les touristes, les visiteurs et les fidèles du site".

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Les Mourabitoune, ces musulmans "gardiens" de l’esplanade des Mosquées

Le Coran brandi devant les visiteurs juifs

Les Mourabitoune passent leur journée autour de la mosquée Al-Aqsa, à prier et à écouter des prêches. Ce n’est qu’entre 7 h du matin et 11 h, qu’ils se mettent en branle – créneau durant lequel les non musulmans sont autorisés à traverser l’esplanade. Le Coran brandi à bout de bras, les Mourabitoune attendent et invectivent les juifs qui s’apprêtent à traverser le lieu saint. Ces derniers répondent presque toujours à leurs provocations. Les insultes fusent, les coups aussi, parfois. Entre les deux camps, des policiers lourdement armés qui tentent comme ils peuvent de les tenir à distance.

Un seul rite juif pratiqué et c'est le fragile statu quo hérité du conflit de 1967 qui vole en éclats. Ces règles tacites autorisent en effet les musulmans à monter à toute heure sur l'esplanade et les juifs à y pénétrer mais sans y prier.

Avec l’interdiction du mouvement qui intervient durant la fête juive de Rosh Ashana (nouvel an juif), la tension est montée d’un cran. Les Mourabitoune accusent Israël de chercher à remettre en cause ce statu quo. Ils redoutent que des juifs pour qui l’esplanade est bien plus sacrée que le Mur des lamentations, en contrebas, se rendent sur les lieux malgré les règles en vigueur.

Les Mourabitoune payés par le Mouvement islamique ?

Pour les autorités israéliennes, les Mourabitoune constituent davantage une menace politique que religieuse. La porte-parole de la police israélienne, Luba Samri, les considèrent comme les instruments du Mouvement islamique, la branche arabe israélienne des Frères musulmans – qui, selon Israël, rémunère les Mourabitoune pour monter la garde devant l’esplanade. Étroitement surveillé, le Mouvement islamique, n’est pas illégal mais il est soupçonné par l’État hébreu d’entretenir des liens avec le Hamas palestinien.

"Selon le Shabak (la Sûreté générale israélienne), ces hommes et femmes […] seraient des personnes payées pour effectuer des tours de garde", écrit "Libération". Les intéressés démentent et dénoncent une agression de fidèles. Dimanche, le directeur de la mosquée Al-Aqsa, Omar Kaswani, a été blessé et arrêté. "Le régime d'occupation n'a aucunement le droit d'intervenir dans les affaires d'Al-Aqsa", a déclaré Cheikh Azzam al-Khatib, le chef du Wafq, l'organisme chargé de la gestion des biens musulmans. "Personne n'a le droit d'interdire à un musulman de pénétrer dans son lieu saint et d'y prier". Ezzat al-Richq, haut dirigeant du Hamas en exil, a dénoncé de son côté "un crime de guerre qui vise à entériner le plan israélien de division d'Al-Aqsa".

C'est de l'esplanade des Mosquées qu'était partie, en 2000, la deuxième Intifada, en réaction à la venue sur le site de l'ex-Premier ministre israélien Ariel Sharon.