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Une ancienne adepte de la scientologie fait le récit de son enrôlement

Au procès de l'Église de scientologie, à Paris, deux plaignantes témoignent de l'escroquerie dont elles s'estiment victimes. Sur les bancs des accusés, les scientologues dénoncent de leur côté "une chasse aux sorcières".

D’un côté, deux anciennes adeptes de l’Église de scientologie qui s’estiment victimes d’escroquerie. De l’autre, sur le banc des prévenus, six scientologues français qui n’ont de cesse de dénoncer un "procès en hérésie", une "chasse aux sorcières".

Le tribunal correctionnel de Paris doit entendre, ce mercredi, la seconde plaignante. La veille, un premier témoignage d’une ancienne adepte est venu éclairer la façon dont l’organisation lui a soutiré, en l’espace de quelques mois seulement, la somme de 21 500 euros.

C’est à la sortie du métro, en mai 1998, qu’Aude-Claire se fait aborder par un homme. Il lui donne un test de personnalité à remplir. "Je l’ai posté et, deux ou trois jours plus tard, on m’a appelée pour me proposer un rendez-vous", raconte-t-elle à l’audience.

Aude-Claire travaille alors comme gouvernante dans un hôtel, pour un salaire mensuel de 1200 euros. Agée de 32 ans, elle est dépressive et en rupture sentimentale. Lors de l’entretien, où son questionnaire est interprété, elle se laisse convaincre que les cours de "dianétique" dispensés par l'Église de scientologie peuvent l'aider à résoudre ses "gros problèmes".

Cours de "bien-être"

Un premier cours, un second, un troisième puis un "package" de séances de "réparation de vie" lui sont proposés. A l’issue de chacun de ces cours, elle doit se rendre au bureau de son "conseiller-orienteur", Jean-François Valli.

"Vous ne quittiez pas son bureau sans avoir signé un chèque ou débité une carte de crédit ", témoigne aujourd'hui Aude-Claire. Et aussi : "On était dans une telle ambiance qu'il fallait suivre d'autres cours pour améliorer son bien-être".

Une "cure de purification" lui est également proposée. Pendant 13 jours, elle ingurgite quotidiennement des vitamines, court, fait des séances de sauna de plus de quatre heures. Cette expérience lui fait perdre 4 kilos.

Entre la mi-mai et la fin août, 2008, Aude-Claire dépense 21 500 euros, entre livres, électromètre (un appareil électrique utilisé par la scientologie), cours et cure.

"Ils ont abusé de ma faiblesse"

Pour pouvoir régler cette somme, elle vide son plan d’épargne-logement, son Codevi, son assurance-vie, et contracte donc un crédit auprès de la Sofinco. Son "conseiller-orienteur" va jusqu’à l’accompagner à la porte de l’organisme de crédit Sofinco.

Fin août 2008, un ex-petit ami et sa famille la convainquent de tourner le dos à la scientologie. "Ils ont abusé de ma faiblesse, de mon état psychologique [...] pour obtenir de l'argent, mais en aucun cas pour me venir en aide", dénonce-t-elle aujourd’hui devant le tribunal correctionnel de Paris.

A la barre, le scientologue qui l’a suivie, Jean-François Valli, déclare que c’était le souhait d’Aude-Claire de "planifier son cursus", et qu’elle ne prenait "pas de décision à la légère", qualifiant leur relation de "conviviale". Il assure qu’elle "n’était pas obligée de payer" et répète que "la scientologie ne peut se faire sous la contrainte, elle est basée sur le volontarisme".

Et l'avocat de l'association, maître Patrick Maisonneuve, d’enchaîner : toute cette affaire, selon lui, "est plus l'histoire d'une déception que celle d'une tromperie". Pour la défense, Aude-Claire était en effet consentante.

45 000 adeptes revendiqués en France

Reconnue comme une religion aux Etats-Unis et en Espagne, la scientologie est controversée en France où elle a été désignée comme "secte" dans un rapport parlementaire de 1995, jamais réactualisé depuis. Le mouvement fondé en 1954 par l'écrivain américain de science-fiction Ron Hubbard revendique 12 millions de membres dans le monde, et 45 000 en France.

Si la scientologie a déjà été l'objet de plusieurs procès en France, "c'est la première fois qu'elle est renvoyée en correctionnelle pour escroquerie en bande organisée", a salué l'avocat des plaignants, maître Olivier Morice, satisfait que la justice puisse "examiner les responsabilités des scientologues".

En cas de condamnations, les poursuites font encourir à l'Eglise de scientologie la dissolution de ses structures françaises : l'Association spirituelle de la scientologie (ASES-CC - Celebrity Centre) et la SEL, sa librairie. Toutefois, une telle issue reste fort lointaine, car si elle était prononcée, elle devrait être confirmée en appel puis en cassation.

La présidente du tribunal a par ailleurs souligné qu’elle n'était pas saisie d'un "problème de société" - la France ne reconnaissant de toute façon aucun culte - mais de présomptions de délits.